À Bangui, une bousculade survenue lors des épreuves du baccalauréat a coûté la vie à 29 élèves et blessé des centaines d’autres. Alors que l’émotion gagne tout le pays, des voix s’élèvent pour dénoncer l’impréparation des autorités et l’état du système éducatif.
Le lycée Barthélémy Boganda, symbole de l’enseignement public en Centrafrique, est désormais le théâtre d’un drame national. Le mardi 25 juin, en pleine session d’examen du baccalauréat, l’explosion d’un transformateur électrique dans l’enceinte du bâtiment a provoqué un mouvement de panique massif. En quelques minutes, une déflagration, suivie d’une rumeur d’explosion imminente, a plongé plus de 5 000 élèves dans la terreur. Bilan : 29 morts, 260 blessés, un pays sous le choc.
Une panique brutale et incontrôlable
Selon les autorités éducatives, le transformateur, situé au rez-de-chaussée du bâtiment principal, a sauté lors du rétablissement de l’électricité par une équipe d’Enerca, la société publique d’électricité. Si les dégâts matériels ont été minimes, les conséquences humaines, elles, sont effroyables.
« Le lycée va exploser ! », criaient des élèves pris de panique dans la cour. Les surveillants, eux aussi pris de court, n’ont pu empêcher la foule de se précipiter vers les sorties. Certains élèves ont été piétinés, d’autres ont sauté dans le vide depuis les étages supérieurs. Le chaos a duré de longues minutes.
Selon plusieurs témoins, les secours sont arrivés avec un retard d’au moins une heure. Certains blessés ont été transportés à la hâte vers l’hôpital communautaire de Bangui ou dans des centres de santé de fortune. D’autres, évanouis, ont été prématurément déclarés morts. Le journaliste Thibaut Ngandakoi rapporte que « quatre élèves se sont réveillés à la morgue, sans avoir reçu de soins préalables ».
Marche blanche et deuil national
Face à l’émotion, une marche commémorative est prévue ce vendredi 27 juin, depuis le monument des martyrs jusqu’au lycée Barthélémy Boganda. Une veillée à la bougie avait déjà été interdite la veille, signe d’un malaise grandissant entre la jeunesse et les autorités.
Le président Faustin-Archange Touadéra, en déplacement à Bruxelles au moment du drame, a décrété trois jours de deuil national. Dans un communiqué, il a exprimé sa « solidarité et [sa] compassion aux familles des victimes ». Mais pour beaucoup, cette compassion arrive trop tard.
Le choc a également emporté René Mandy, président du centre d’examen, victime d’une crise cardiaque dans les heures qui ont suivi. Sa disparition vient renforcer le climat de deuil et de tension qui pèse sur l’établissement.
Une gestion pointée du doigt
Une enquête a été ouverte pour déterminer les causes précises du dysfonctionnement électrique. Mais déjà, les critiques fusent contre la gestion de l’événement. Le Bloc républicain pour la défense de la Constitution, une coalition d’opposition, dénonce « l’irresponsabilité des autorités dans la sécurisation des établissements scolaires ».
Le Premier ministre Félix Moloua, accompagné du ministre de l’Éducation et du ministre de la Communication, a rendu visite aux blessés dans plusieurs hôpitaux de la capitale. Une aide financière symbolique a été remise aux familles, sans convaincre ni apaiser l’indignation.
Maintien controversé des examens
Malgré l’ampleur du drame, le gouvernement a choisi de maintenir les épreuves du baccalauréat. Une décision assumée par le ministre de l’Éducation, Aurélien-Simplice Kongbelet-Zingas, au nom de la « continuité pédagogique ». Un choix contesté sur les réseaux sociaux et dans la rue, où de nombreux Centrafricains réclament une suspension nationale des examens par respect pour les victimes et leurs familles.
« Comment peut-on demander à des élèves traumatisés de retourner composer ? », interroge un parent d’élève. Le traumatisme psychologique, encore invisible, pourrait marquer durablement toute une génération.
Ce drame vient cruellement rappeler les failles structurelles du système éducatif centrafricain : des infrastructures vétustes, une alimentation électrique instable, un personnel enseignant surchargé et des dispositifs de sécurité quasi inexistants. Le lycée Barthélémy Boganda, qui fut jadis un pôle d’excellence, symbolise aujourd’hui l’abandon de l’école publique.
Dans un pays marqué par des crises politiques et économiques récurrentes, la jeunesse paie un lourd tribut à l’indifférence et au manque d’investissements. Le drame du 25 juin n’est pas qu’un accident : il est le symptôme d’un système en crise.
Paul Lamier Grandes Lignes












