Lecture 05 min. Publié le 31 octobre 2025
Entre valorisations record et promesses de profits futurs, la fièvre de l’IA propulse Nvidia, Apple et bientôt OpenAI vers des sommets boursiers inédits au risque de faire vaciller tout l’écosystème technologique.
Les chiffres donnent le vertige : Nvidia dépasse les 5000 milliards de dollars, Apple franchit les 4000, et OpenAI, la firme derrière ChatGPT, se prépare à viser les 1000 milliards lors d’une potentielle introduction en bourse dès 2026.
Cette effervescence sans précédent sur les marchés traduit une certitude collective : l’intelligence artificielle n’est plus une révolution en marche, c’est une ruée vers l’or. Mais dans cette frénésie, une question domine : où s’arrête la promesse, et où commence la bulle ?
Nvidia, le nouveau maître du monde technologique
Le fabricant de puces californien est devenu le moteur de la révolution IA. Ses processeurs, indispensables à la formation des modèles d’intelligence artificielle, s’arrachent à prix d’or. Résultat : en cinq ans, les revenus du groupe ont été multipliés par treize, propulsant Nvidia au-dessus de la somme des PIB de l’Inde, du Japon et du Royaume-Uni réunis, selon le FMI.
Pour Daniel Steck, analyste chez Piguet Galland, la trajectoire est logique :
« La flambée du titre suit celle des revenus. Tant que la croissance de Nvidia reste à ce niveau, les investisseurs tolèrent des valorisations stratosphériques. »
Mais certains voient dans cette ascension une concentration de risques inédite. Raphaël Pardini, associé chez Targa 5 Advisors, met en garde :
« Nvidia investit dans les entreprises qui, à leur tour, achètent ses produits. C’est un cercle vertueux en apparence, mais aussi un risque systémique majeur. À la moindre déception, tout l’écosystème pourrait s’effondrer. »
OpenAI, la promesse à 1000 milliards
À l’autre extrémité du spectre, OpenAI séduit les marchés avec un projet d’introduction en bourse valorisé à près de 1000 milliards de dollars. Mais la réalité économique de la firme reste fragile. L’entreprise n’est pas encore rentable, ses revenus annuels tournent autour de 13 milliards de dollars, et la majorité de ses utilisateurs restent sur la version gratuite de ChatGPT.
« La valorisation d’OpenAI repose sur des promesses, pas sur des bilans », explique Daniel Steck. « Le soutien massif de Microsoft, qui a investi 135 milliards de dollars pour 27 % du capital, donne une légitimité financière. Mais cela reste une mise sur l’avenir, pas sur la rentabilité immédiate. »
Des investissements colossaux, une dépendance inquiétante
En trois mois, Google, Meta et Microsoft ont dépensé 78 milliards de dollars en infrastructures et recherche sur l’IA soit une hausse de 89 % par rapport à l’an dernier. Ces sommes faramineuses traduisent la conviction que l’IA redéfinira tous les secteurs économiques, des services à la finance, de la santé à l’énergie.
Mais cette dépendance accrue à la puissance de calcul pose aussi un risque : celui de la concentration technologique mondiale. Quelques entreprises détiennent désormais les clés du savoir, de la donnée et du calcul un pouvoir comparable à celui des États.
La bulle de l’IA : illusion ou inévitable correction ?
Beaucoup d’experts comparent la situation actuelle à celle de la bulle internet des années 2000.
« Les investisseurs se ruent sur tout ce qui contient le mot “AI” », déplore Raphaël Pardini. « C’est une bulle en formation. La plupart de ces sociétés ne survivront pas. Seuls les géants Microsoft, Google, Amazon capteront la vraie valeur. »
Pour Daniel Steck, la différence avec 2000 réside dans la réalité des revenus :
« Cette fois, il y a une base économique solide. Nvidia, par exemple, tire des bénéfices concrets de la demande mondiale en calcul haute performance. La spéculation existe, mais elle s’appuie sur une industrie tangible. »
Vers une nouvelle ère de concentration économique
Derrière les records boursiers, c’est une transformation structurelle du capitalisme technologique qui s’opère. L’IA accélère la domination d’une poignée d’entreprises américaines, capables de fixer les prix, les standards et les rythmes d’innovation.
Les investisseurs, fascinés par le potentiel quasi infini de l’intelligence artificielle, oublient peut-être que toute expansion a sa limite et que les bulles, elles aussi, finissent toujours par éclater.
Paul Lamier Grandes Lignes












