Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, fait face à des inondations d’une ampleur exceptionnelle ayant provoqué la mort de dizaines de personnes, d’importants dégâts matériels et une paralysie quasi totale de la ville
Après un week-end marqué par de violentes pluies, les autorités congolaises ont confirmé un lourd bilan humain à Kinshasa. Selon Jacquemain Shabani, vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, 33 personnes ont perdu la vie, principalement emportées par les eaux lorsque leurs habitations ont été détruites par les crues.
Les intempéries ont également fait au moins 46 blessés, admis dans différents centres de santé de la capitale, et causé d’importants dégâts matériels. Plus de 200 foyers ont été directement touchés par les inondations, selon le bilan provisoire communiqué par les autorités.
Des quartiers submergés, une ville paralysée
Les inondations ont affecté de nombreuses zones de la ville, bloquant les axes routiers, submergeant les immeubles et rendant plusieurs quartiers inaccessibles. Bien que le niveau des eaux ait commencé à baisser lundi matin, les conséquences restent visibles : la circulation demeure fortement perturbée, notamment sur les grands boulevards comme Lumumba, et dans les secteurs stratégiques.
Le pont de N’djili, reliant plusieurs quartiers populaires, a été submergé, coupant l’accès à l’aéroport international de la capitale. Des milliers de voyageurs ont été contraints de passer la nuit sur place, dans l’attente d’une décrue. Sur le site, des camions militaires ont été mobilisés pour tenter d’évacuer les sinistrés ou leur permettre de traverser la zone inondée.

Des récits marqués par la détresse
Josué, conducteur d’un taxi-bus bloqué sur le boulevard Lumumba, a passé deux nuits à bord de son véhicule :
« J’étais là depuis samedi soir. L’eau est montée soudainement, la rivière a débordé sans prévenir. On s’est retrouvés coincés, avec des voitures tout autour. On a dormi dans les véhicules, sans pouvoir bouger. »
Dans l’un des quartiers périphériques à l’est de la ville, Babel, mère de famille, a dû se réfugier avec ses enfants sur le toit d’une maison voisine :
« On a tout perdu. L’eau est entrée partout, on a fui comme on pouvait. Je ne sais pas si on retrouvera quelque chose en revenant. »
Plus loin, François tente de traverser les eaux avec quelques voisins, à l’aide d’une pirogue de fortune :
« Il fallait partir. L’eau est montée trop haut. On pataugeait à l’intérieur des maisons, on n’avait pas d’autre solution que de sortir par les toits. »
Une capitale vulnérable face aux intempéries
La ville de Kinshasa, qui compte près de 17 millions d’habitants, est régulièrement confrontée à des épisodes d’inondations. Située sur le fleuve Congo, elle est exposée à de fortes crues, aggravées par une urbanisation non maîtrisée, des constructions dans des zones à risque et un système de drainage largement défaillant.
Le gouverneur de la ville, Daniel Bumba, a indiqué que 12 des 26 municipalités de Kinshasa ont été touchées par les inondations ou des glissements de terrain. Des équipes de secours ont été déployées pour venir en aide aux sinistrés, tandis que trois centres d’accueil ont été mis en place pour héberger les personnes déplacées.
La route reliant le centre-ville à l’aéroport international, ainsi que l’axe stratégique vers le port de Matadi, restent partiellement impraticables. Des files de camions bloqués persistent depuis dimanche, alors que les travaux de dégagement se poursuivent.
Une situation qui pourrait empirer
Selon l’agence nationale de météorologie, de nouvelles pluies intenses sont attendues en avril et en mai, non seulement sur Kinshasa, mais aussi dans le nord et le nord-est du pays. Cette prévision fait craindre une aggravation de la situation dans une capitale déjà éprouvée.
En décembre 2022, plus de 120 personnes avaient trouvé la mort dans des inondations similaires, les plus meurtrières que la ville ait connues depuis des années. Malgré les alertes successives, peu d’investissements structurels ont été réalisés pour renforcer la résilience de Kinshasa face aux intempéries.