Le 3 septembre 2024, à Pékin, dans les couloirs feutrés du siège de Norinco, géant de l’industrie de défense chinoise, le colonel Assimi Goïta et son ministre de la défense, le général Sadio Camara, s’accordent sur une étape décisive : un « mémorandum d’entente » pour équiper, former et transférer des technologies militaires au Mali.
Quelques mois plus tard, le président malien annonce l’installation d’usines d’armement dès 2025, un projet auquel Norinco est discrètement associé. Cette initiative, inédite en Afrique de l’Ouest où seul le Nigeria produit des armes marque un tournant : la Chine ne se contente plus d’être un partenaire commercial, elle devient un acteur clé de la sécurité sur le continent.
En Afrique de l’Ouest, où les achats d’armement explosent face aux menaces djihadistes, Pékin comble le vide laissé par le retrait des forces françaises et américaines. Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), la Chine représente déjà 18 % des importations d’armes africaines, juste derrière la Russie.
Derrière l’apparente neutralité diplomatique, la Chine a recentré sa stratégie : en septembre 2024, lors du Forum sur la coopération sino-africaine (Focac), elle accueille les dirigeants du Mali, du Burkina Faso et du Niger les putschistes du Sahel comme des partenaires à part entière. Le message est clair : soutien militaire, respect de la souveraineté et relations d’égal à égal.
Au cœur de cette expansion, Norinco déploie ses moyens : livraisons massives de blindés, formations, maintenance, et un ancrage territorial renforcé avec l’ouverture de bureaux régionaux à Dakar. En décembre 2024, près d’une centaine de blindés sont livrés au Burkina Faso ; en février, la Chine envoie son premier attaché de défense à Niamey.
En Afrique de l’Ouest, Norinco n’exporte plus seulement des armes, elle vend un modèle : celui d’une coopération sécuritaire sans ingérence politique, qui séduit les régimes en quête de reconnaissance et de soutien matériel. Pour Pékin, c’est un pari ambitieux : ancrer durablement sa puissance militaire dans un espace géostratégique en recomposition rapide.
Jolie Kakonde , Grandes Lignes