À New York, la nervosité est montée d’un cran. Mercredi 9 avril, les salles de marché sont restées étrangement silencieuses aux premières heures. Ce n’est qu’après de longues minutes que les téléphones ont commencé à sonner. Chez Tikehau Capital, Wesley Seifer et ses équipes ont mesuré l’ampleur du séisme : pour la première fois depuis des décennies, la dette américaine, refuge historique des investisseurs, était massivement vendue.
La cause ? L’annonce surprise par Donald Trump de droits de douane “réciproques”, propulsant brutalement le rendement des bons du Trésor à 10 ans au-dessus de 4,5 %. Plutôt que de se ruer sur la dette américaine, les investisseurs ont pris peur et ont fui. Actions, obligations, dollar : tout a été vendu, plongeant le système financier mondial dans une tempête soudaine.
La panique inédite autour de la dette américaine
L’onde de choc fut brutale. Jamais Wall Street n’avait assisté à un tel mouvement, où l’actif considéré comme le plus sûr du monde devenait subitement toxique. À la Société Générale de Manhattan, comme chez Morgan Stanley ou Jefferies, les traders échangeaient des messages incrédules en voyant les marchés basculer.
Face à cette panique, Donald Trump a reculé pour la première fois. Sous la pression des marchés, il a suspendu ses droits de douane en milieu de journée. Wall Street a immédiatement rebondi. L’indice S&P 500 a connu une envolée de 10 %, inédite depuis la crise de 2008.
Mais cette accalmie n’a pas duré. Très vite, les doutes ont ressurgi. La confiance dans l’économie américaine, et même dans le dollar, a été durablement ébranlée.
Les fissures de l’exceptionnalisme américain
Le marché des Treasuries, pierre angulaire du système financier mondial, a révélé une faille : pour la première fois, son statut de valeur refuge a été remis en cause. La volatilité extrême a fait bondir les appels de marge, forçant certains investisseurs à liquider en urgence leurs positions, accentuant la spirale baissière.
Contrairement aux spéculations, il n’y a pas eu d’intervention massive de la Chine. Ce sont principalement des investisseurs privés étrangers qui ont vendu. Mais l’avertissement est sévère : la dette américaine n’est plus infaillible.
Dans ce contexte, les doutes se multiplient sur la capacité des États-Unis à gérer durablement leur dette publique, surtout après l’activation du “Doge” par Elon Musk censé réformer la bureaucratie, sans résultats tangibles jusqu’ici.
Trump, la Fed et le risque systémique
Alors que la tension reste vive, Donald Trump agite désormais la menace de révoquer Jerome Powell, président de la Réserve fédérale, pour obtenir une politique monétaire plus accommodante. Ce geste, s’il devait être confirmé, risquerait de précipiter une véritable crise de confiance sur les marchés.
Les investisseurs de long terme, fonds de pension et grandes maisons de gestion, restent prudents. Ils savent que dans la finance mondiale, les séquences de panique laissent des traces durables.
L’Amérique reste puissante, mais son image de valeur sûre absolue est écornée. Le dollar, lui, a perdu de son éclat. Pour Wall Street, le mois d’avril 2025 restera comme un tournant : celui où l’illusion de l’immunité américaine a vacillé.
Donis Kanga Grandes Lignes