Désillusion politique, crise de confiance, recomposition à bas bruit : à moins de deux ans de l’échéance présidentielle, le rejet du macronisme atteint un niveau inédit. Huit Français sur dix estiment aujourd’hui que l’expérience portée par Emmanuel Macron est un échec. Une désaffection massive, aux conséquences aussi électorales que symboliques
À moins de 24 mois d’un scrutin majeur, un chiffre s’impose dans le débat public : 80 % des Français jugent le macronisme comme un échec. Ce diagnostic brutal, issu d’une enquête d’opinion récente, confirme que la promesse de transformation portée en 2017 s’est heurtée à une réalité bien plus rugueuse : celle d’un pouvoir sans boussole claire, sans majorité stable, et désormais sans adhésion populaire.
Un pouvoir sous respiration artificielle
Depuis la perte de la majorité absolue à l’Assemblée nationale en 2022, Emmanuel Macron gouverne à la marge. À coups de compromis techniques, d’articles 49.3 et de stratégies d’évitement institutionnel, le macronisme s’est transformé en gestion de l’instant, loin des ambitions initiales de refondation. L’image d’un président au-dessus des clivages s’est muée en celle d’un chef de l’État de plus en plus isolé, accusé de verticalité, de dureté, voire de mépris.
Le politologue Luc Rouban l’a résumé ainsi : « Le macronisme a voulu dépasser la gauche et la droite. Il a fini par décevoir les deux. »
Une opposition fragmentée mais dynamique
Ce vide d’adhésion ne laisse pas la scène politique intacte. Tandis que certains proches d’Emmanuel Macron évoquent une possible candidature d’Élisabeth Borne en 2027, les regards se tournent déjà vers ceux qui pourraient capitaliser sur l’effondrement du centre : Jordan Bardella, notamment, creuse son sillon, renforcé par le retrait forcé de Marine Le Pen, récemment condamnée à cinq ans d’inéligibilité.
Pourtant, l’alternative ne se dessine pas uniquement à l’extrême droite. L’ensemble du champ politique connaît une recomposition en profondeur. À gauche, des candidatures multiples se préparent. À droite, des figures comme Laurent Wauquiez ou Édouard Philippe attendent leur heure. Le champ est ouvert mais il reste à incarner.
Une usure plus profonde qu’un simple mandat
La critique du macronisme ne se limite pas aux postures ou à la stratégie parlementaire. Elle touche aussi des sujets concrets : pouvoir d’achat, pression fiscale, crise du logement, dégradation des services publics. L’hôpital, l’école, la justice… Autant de piliers républicains qui, faute d’un investissement fort ou d’une réforme lisible, ont continué de se fragiliser.
S’ajoute à cela une série de réformes impopulaires retraites, assurance chômage menées sans réel débat, dans une atmosphère de confrontation sociale permanente. Résultat : un président contesté, un gouvernement sans respiration politique, et une défiance installée dans l’opinion.
Le prochain scrutin présidentiel ne sera pas une reconduction. Ce sera une redéfinition. L’effacement progressif d’Emmanuel Macron de la scène politique ouvre une période incertaine, marquée par le rejet plus que par l’adhésion. Mais ce rejet, aussi fort soit-il, ne suffit pas à dessiner une alternative.
Si le macronisme se délite, c’est aussi parce qu’aucune autre force politique n’a, pour l’instant, su proposer un récit suffisamment puissant pour rassembler au-delà des clivages. Le défi des deux années à venir ne sera pas seulement de faire campagne. Il sera de recréer une offre politique crédible, cohérente et mobilisatrice.
Paul Lamier Grandes Lignes