L’administration Trump a officialisé l’interdiction d’entrée sur le territoire américain pour les ressortissants de douze pays, dont plusieurs États africains. Parmi eux : la République du Congo. Si la mesure suscite déjà des réactions politiques et diplomatiques, elle interroge surtout sur les critères de cette décision. Quels reproches sont adressés à Brazzaville ?
Des griefs variés, peu transparents
Dans son communiqué, la Maison Blanche justifie les nouvelles restrictions par la nécessité de « protéger le pays contre les menaces terroristes étrangères ». Mais la réalité est plus complexe. Sur les douze pays visés, sept sont africains, et très différents dans leur gouvernance, leur situation sécuritaire ou leur relation avec les États-Unis.
Alors pourquoi le Congo-Brazzaville se retrouve-t-il sur cette liste ? L’administration américaine invoque principalement trois critères :
- la présence terroriste sur le territoire,
- le taux de dépassement des visas américains,
- la coopération avec les services d’immigration américains, notamment pour le rapatriement des citoyens expulsés.
Sur ces points, la République du Congo se distingue particulièrement par un taux élevé de dépassement de visa. En 2023, 30 % des Congolais titulaires d’un visa temporaire ont dépassé leur durée de séjour aux États-Unis, selon les données du Département de la Sécurité intérieure.
L’octroi de passeports à des ressortissants étrangers dans le viseur
Autre point sensible soulevé par l’administration Trump : la délivrance de passeports congolais à des ressortissants étrangers, souvent dans des conditions opaques. Cette pratique, que le Département d’État américain considère comme un risque en matière de sécurité et d’immigration, serait particulièrement répandue.
Washington reproche au Congo de faciliter l’accès à des documents d’identité nationaux pour des individus qui ne sont pas originaires du pays, mais qui peuvent ainsi contourner certaines restrictions d’immigration. Cette stratégie, parfois motivée par des intérêts économiques ou diplomatiques, crée des failles dans les systèmes de contrôle migratoire internationaux.
Des critiques sur l’efficacité des sanctions
Certains analystes s’interrogent sur la logique de cette interdiction. Le politologue ghanéen Bright Simons, cité dans la presse américaine, estime que punir des pays entiers pour les comportements d’une minorité de voyageurs est contre-productif.
Selon lui, les gouvernements disposent de peu de leviers pour empêcher leurs citoyens de prolonger illégalement leur séjour à l’étranger. Il suggère plutôt d’instaurer des mécanismes individuels de responsabilisation, comme des cautions obligatoires à l’obtention du visa, déjà en vigueur dans certains pays d’Asie.
Une décision à portée plus politique que sécuritaire ?
Au-delà des données statistiques, la mesure semble aussi s’inscrire dans une volonté plus large de Donald Trump de renforcer sa rhétorique anti-immigration en vue de l’élection présidentielle de 2026. Loin d’être une simple mesure administrative, ce « travel ban » cristallise les tensions entre contrôle des frontières, diplomatie et gestion des flux migratoires.
Du côté des pays visés, comme la République du Congo, cette interdiction soulève des questions de coopération internationale. Mais pour les milliers de Congolais vivant aux États-Unis, ou aspirant à s’y rendre, la décision risque d’avoir des conséquences concrètes, immédiates et durables.
Paul Lamier Grandes Lignes