Il serre les mains des chefs d’État africains, signe des accords à plusieurs milliards, manie la diplomatie énergétique mieux que bien des chancelleries… À la tête de TotalEnergies depuis 2014, Patrick Pouyanné est bien plus qu’un PDG. Il est devenu une figure centrale des équilibres économiques du continent africain, et un acteur politique qui intrigue jusqu’en France. Silencieux sur ses ambitions nationales, son emprise internationale, elle, ne fait plus de doute.

Un patron devenu puissance parallèle

À Luanda, à Oyo, à Kampala ou à Maputo, Patrick Pouyanné n’est pas reçu comme un simple industriel. Il est accueilli comme un chef d’État. Depuis l’Angola où il a fait ses débuts dans le pétrole, jusqu’au Gabon avec lequel il a réglé un différend fiscal de 800 millions de dollars, le patron de TotalEnergies est aujourd’hui incontournable.

Présent dans une trentaine de pays africains, Pouyanné supervise des opérations stratégiques dans l’ensemble du spectre énergétique : pétrole, gaz, hydroélectricité, projets forestiers compensatoires. Mais surtout, il négocie en direct avec les présidents, se rend à Kigali pour discuter d’alliances commerciales avec Dangote, ou à Maputo pour tenter de débloquer cinq milliards de dollars avec Washington.

Le maître du jeu pétrolier africain

En République du Congo, il décroche des concessions clés à force de tête-à-tête avec Denis Sassou N’Guesso. En Angola, il investit 6 milliards de dollars dans le projet Kaminho. En Ouganda, il avance sur l’oléoduc EACOP malgré les critiques internationales. Et au Mozambique, il bataille pour relancer un mégaprojet de gaz naturel liquéfié gelé depuis des années.

Ce maillage dense ne se limite pas à des investissements : il traduit une stratégie d’influence. Patrick Pouyanné agit en éclaireur d’intérêts français sur le continent, souvent avec plus d’efficacité que les représentants diplomatiques officiels.

Un PDG qui parle comme un président

Dans l’Hexagone, il commence aussi à faire entendre une voix politique. « J’étais en charge de l’État », lâche-t-il lors d’une interview à la Défense, comme si cela allait de soi. Auditionné au Sénat, il défend une vision exigeante de l’usage de l’argent public. Libéral, mais attaché à une forme de justice économique, il critique les aides étatiques mal ciblées, tout en refusant les subventions Covid au nom de la cohérence.

Il parle France, réforme, cohésion économique. À sa manière, il entre dans l’arène publique, sans jamais franchir le Rubicon. Mais sa présence, elle, est déjà là. Et sa posture interpelle : pourquoi ce PDG d’envergure mondiale, qui connaît mieux que quiconque l’Afrique, qui manie les codes de la puissance et de l’influence, ne viserait-il pas plus haut ?

Une ambition qui ne dit pas son nom

De Sassou à Dangote, de Lourenço, Patrick Pouyanné navigue dans une galaxie de puissants. Il parle peu, mais agit beaucoup. Dans un contexte français où les élites politiques sont en perte de crédibilité, où la parole technocratique regagne en valeur, sa stature pourrait séduire. Il a l’allure, le réseau, le discours… et le pouvoir réel.

Alors, simple géant de l’énergie ou futur prétendant à la conduite de l’État ? Patrick Pouyanné n’a jamais dit qu’il voulait diriger la France. Mais tout, dans ses actes, suggère qu’il n’en serait pas incapable.

Adonis Kanga Grandes Lignes