Face à la stagnation économique et à la crise démographique, le chancelier allemand Friedrich Merz exhorte les citoyens à « travailler plus et plus efficacement ». Une sortie qui relance un vieux débat sur la prétendue paresse des Allemands et la soutenabilité du modèle social.
Depuis plusieurs semaines, l’Allemagne est secouée par une polémique inattendue, mais profondément révélatrice. À l’heure où le pays tente de sortir d’un tunnel économique et d’anticiper l’impact du vieillissement de sa population, Friedrich Merz, chef de la CDU et chancelier, pointe du doigt le rapport au travail des Allemands. Sa déclaration : « Avec la semaine de quatre jours et l’équilibre vie pro-vie perso, nous ne pourrons pas maintenir notre prospérité », a enflammé la presse et les réseaux.
Stéréotype ou réalité ?
Ce soupçon de “paresse allemande” n’est pas nouveau. Mais il revient avec force dans une Allemagne vieillissante, où près de la moitié des femmes et un homme sur huit travaillent à temps partiel. Pourtant, les statistiques de l’OCDE montrent que l’Allemagne est l’un des pays où l’on travaille le moins en volume horaire annuel (1 343 heures par an en moyenne contre 1 632 en Espagne).
Mais pour beaucoup, ce n’est pas un problème de travail, mais de modèle. Les raisons structurelles de la baisse de productivité sont ailleurs : manque de numérisation, bureaucratie lourde, difficulté d’intégration des immigrés sur le marché du travail, et pénurie de crèches.
« On ne résoudra rien en travaillant juste plus », tranche Holger Schäfer, économiste à l’institut IW.
Une culture du repos… ou un retard d’adaptation ?
L’Allemagne respecte rigoureusement le repos dominical et décourage les intrusions professionnelles en dehors des horaires de travail. Le mot Feierabend symbolise cette barrière nette entre vie pro et vie perso. Pour certains, c’est un modèle enviable ; pour d’autres, une inertie coûteuse face aux défis du 21e siècle.
« En Allemagne, on ne chauffe pas les chaises. Et on respecte le droit au repos », rappelle un salarié de Berlin.
Mais dans un pays où le taux de natalité est faible, la génération des baby-boomers part à la retraite, et le taux d’emploi à plein temps décline, la question devient : comment financer l’État-providence sans faire évoluer le contrat social ?
Une génération face au mur
Les jeunes générations, loin d’être paresseuses, s’appuient sur l’héritage culturel des baby-boomers eux-mêmes : flexibilité, temps partiel choisi, équilibre de vie. Pourtant, ce sont elles qu’on accuse aujourd’hui de ne pas « en faire assez ».
Le sociologue Philipp Staab y voit une hypocrisie :
« On accuse les jeunes, mais on ne touche pas aux retraites pour ne pas perdre les électeurs âgés. Voilà le vrai tabou du débat. »
Que faire ?
Le choix ne se résume pas à « travailler plus ». Pour faire face à la crise démographique et éviter la stagnation permanente, les experts évoquent plusieurs pistes :
- améliorer l’accueil de la petite enfance ;
- inciter fiscalement au retour au plein temps ;
- intégrer mieux les immigrés ;
- repousser l’âge de la retraite ;
- et bien sûr… augmenter la productivité.
Merz, lui, a préféré attaquer la semaine de quatre jours. Un angle qui suscite plus de clivages que de solutions.