Ce 17 juin, Mamadi Doumbouya effectue sa première visite officielle en Côte d’Ivoire depuis sa prise de pouvoir en Guinée en septembre 2021. Au-delà de la dimension protocolaire, ce déplacement marque une étape importante dans la stratégie extérieure de la transition guinéenne. Officiellement placée sous le signe de l’unité et du panafricanisme, cette visite intervient dans un contexte où les lignes diplomatiques régionales sont en recomposition.
Un message politique entre deux blocs
Depuis plusieurs mois, la Guinée a renforcé ses liens avec les régimes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger, réunis dans l’Alliance des États du Sahel (AES). Elle a adopté une posture commune de défiance face à la CEDEAO, notamment en s’opposant à toute intervention armée au Niger après le coup d’État de 2023. Mais contrairement à ses partenaires, Conakry est restée membre de l’organisation sous-régionale. En choisissant Abidjan pour cette première visite officielle ouest-africaine, Mamadi Doumbouya tente de réaffirmer cette singularité.
Ce déplacement vise à éviter un basculement diplomatique trop marqué. Il permet à la Guinée de maintenir une position intermédiaire entre les deux grands pôles régionaux qui se dessinent, tout en ouvrant un canal de discussion avec la principale puissance économique de la CEDEAO.
L’économie, un levier de rapprochement
La dimension économique est au cœur de cette visite. Depuis l’incendie du dépôt d’hydrocarbures de Conakry en 2023, la dépendance énergétique de la Guinée s’est accentuée. La Côte d’Ivoire, qui avait apporté une aide d’urgence, pourrait désormais devenir un acteur central dans une coopération énergétique régionale. L’interconnexion des réseaux et la sécurité énergétique figurent parmi les sujets de négociation.
Autre enjeu : le commerce bilatéral, historiquement déséquilibré et en net recul. En 2017, la Côte d’Ivoire exportait pour plus de 662 millions de dollars vers la Guinée, contre des importations quasi nulles. En 2024, ces échanges sont tombés à 79 millions, selon les données de l’OMC. La relance de la Grande Commission mixte, à l’arrêt depuis 2014, serait une opportunité de structurer de nouveaux partenariats, notamment dans les secteurs portuaire, minier et frontalier.
Un signal à double portée
Pour la Côte d’Ivoire, cette visite est aussi un geste d’ouverture vers un voisin stratégique. À l’heure où les tensions régionales compliquent l’intégration ouest-africaine, la reprise d’un dialogue formel avec la Guinée pourrait stabiliser certaines dynamiques. Pour Conakry, c’est l’occasion de sortir de l’isolement relatif dans lequel l’enracinement AES aurait pu l’enfermer.
En s’affichant aux côtés d’Abidjan, Mamadi Doumbouya cherche à repositionner son pays dans un jeu diplomatique plus équilibré, avec à la clé des gains potentiels sur le plan économique. Un pari qui, s’il débouche sur des accords concrets, pourrait esquisser un modèle de coopération pragmatique dans une région marquée par les ruptures politiques.