Entre prolongation du mandat, suspension des élections et arrestations arbitraires, l’ONU accuse le pouvoir d’Assimi Goïta de verrouiller la transition.
Depuis Bamako, la promesse d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel s’éloigne. Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a publiquement dénoncé la suspension indéfinie des élections et “l’intensification de la répression” menée par les autorités maliennes. Pour l’ONU, les réformes adoptées ces derniers mois compromettent durablement l’État de droit et les libertés fondamentales.
Des lois qui prolongent le règne d’Assimi Goïta
Arrivé au pouvoir à la faveur de deux coups d’État successifs (2020 et 2021), le général Assimi Goïta s’était engagé à organiser des élections avant mars 2024. Mais une loi promulguée en juillet 2025 lui a octroyé un mandat de cinq ans renouvelable, sans passer par les urnes. Cette décision, doublée de la dissolution des partis politiques, a fermé la porte à tout scrutin démocratique dans un avenir proche.
Dissolution des partis et musellement des voix critiques
La société civile et l’opposition sont devenues les cibles prioritaires du régime.
- L’ancien Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a été arrêté pour “atteinte aux biens publics”.
- Des militants et journalistes critiques ont été enlevés ou emprisonnés.
- Clément Mamadou Dembélé, figure de la lutte contre la corruption, reste incarcéré malgré un non-lieu prononcé en sa faveur.
Le Haut-Commissariat dénonce une augmentation “marquée” des arrestations arbitraires visant toutes les couches sociales du pays.
Des militaires visés et un climat sécuritaire fragile
La répression ne se limite pas aux civils. Cinquante-cinq militaires, dont deux généraux, ont été arrêtés pour “tentative de déstabilisation”. Un ressortissant français est également détenu, accusé d’espionnage. Pendant ce temps, les groupes jihadistes continuent de gagner du terrain : fin août, Al-Qaïda a pris le contrôle de Farabougou, localité stratégique du centre du pays.
Les accusations contre Bamako et ses alliés russes
Les forces maliennes et leurs partenaires de l’Africa Corps (ex-Wagner) sont à leur tour pointés du doigt. L’ONU affirme disposer de “preuves crédibles” d’exécutions extrajudiciaires, d’enlèvements et d’arrestations arbitraires commis lors des opérations militaires.
Isolement diplomatique croissant
Le Mali s’éloigne de ses anciens partenaires. Avec le Burkina Faso et le Niger, Bamako a quitté la Cédéao pour former l’Alliance des États du Sahel, tout en renforçant ses liens avec Moscou. Les critiques de l’ONU accentuent cet isolement, alors que le régime se replie sur une rhétorique de souveraineté et de rejet de l’ingérence étrangère.
Pour l’ONU, la voie empruntée par Assimi Goïta s’apparente à une fermeture autoritaire : promesses de transition abandonnées, élections suspendues, société civile muselée. Reste à savoir jusqu’où le régime pourra maintenir ce verrouillage sans provoquer une nouvelle explosion sociale et sécuritaire.
Paul Lamier Grandes Lignes