Lecture 04 min. Publié le 21 octobre 2025
La tension diplomatique entre Malabo et Paris s’envenime à nouveau. Lundi 20 octobre, le vice-président de la Guinée équatoriale, Teodoro Nguema Obiang Mangue, fils du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, a lancé de graves accusations contre la France, l’accusant de « harcèlement systématique » et de tentatives répétées de déstabilisation.
Cette déclaration marque un nouvel épisode dans une relation houleuse, mêlant affaires judiciaires, différends diplomatiques et ressentiment postcolonial.
Une récompense perçue comme une provocation
Tout est parti de la nomination d’Alfredo Okenve, activiste équato-guinéen exilé en Espagne, au prix franco-allemand des droits de l’homme. Cet opposant, plusieurs fois arrêté par le régime, est considéré par le pouvoir comme un « traître à la nation ».
« La France récompense les instigateurs de haine, les incitant à perturber la paix et à agir contre leurs propres cultures et leurs frères », a dénoncé Teodoro Nguema sur X, estimant que Paris alimente les tentatives visant à saper la stabilité nationale.
Dans la foulée, le vice-président a ravivé le souvenir de la tentative de coup d’État de décembre 2017, qu’il attribue à des agents de la DGSE, le renseignement extérieur français.
Les rancunes d’un dossier judiciaire explosif
Derrière cette sortie politique se cache un lourd contentieux. En 2021, la justice française a condamné Teodoro Nguema Obiang à trois ans de prison avec sursis et 30 millions d’euros d’amende pour blanchiment, détournement de fonds publics et abus de biens sociaux.
Une affaire de biens mal acquis qui empoisonne les relations entre les deux pays depuis plus d’une décennie.
Le différend porte notamment sur un immeuble de luxe situé avenue Foch à Paris, estimé à 100 millions d’euros et saisi par la France. Le 12 septembre dernier, la Cour internationale de justice (CIJ) a rejeté la requête de la Guinée équatoriale visant à empêcher la vente du bien, une décision vécue comme une humiliation diplomatique à Malabo.
Un discours anti-français dans la lignée du Sahel
« Nous rejetons catégoriquement la politique de harcèlement systématique menée par la République française pour déstabiliser notre pays, comme elle l’a fait avec d’autres pays africains comme le Mali, le Niger et le Burkina Faso », a déclaré le vice-président équato-guinéen.
En plaçant la Guinée équatoriale dans le sillage des pays du Sahel ayant rompu avec Paris, Teodoro Nguema Obiang tente de réactiver le discours souverainiste africain, aujourd’hui très populaire sur le continent.
Une stratégie qui lui permet surtout de revendiquer la souveraineté de son pays et de défendre une Afrique affranchie des ingérences étrangères, face à ce qu’il considère comme des attaques politiques et judiciaires orchestrées depuis l’extérieur.
Entre défiance et isolement diplomatique
Les observateurs notent que cette attaque frontale contre la France survient dans un contexte de fragilité politique.
Le régime, l’un des plus anciens du continent, fait face à un désenchantement croissant de la population, à une économie dépendante du pétrole en déclin et à des pressions internationales accrues pour des réformes.
Dans ce climat, l’offensive verbale de Malabo contre Paris apparaît comme une tentative de resserrer les rangs autour du pouvoir et de réaffirmer sa légitimité face à ce qu’il présente comme une ingérence étrangère.
Entre le poids du passé colonial, les affaires judiciaires non résolues et les accusations de déstabilisation, la fracture entre Paris et Malabo semble désormais consommée.
Paul Lamier Grandes Lignes












