Au lendemain du sommet d’Anchorage avec Vladimir Poutine, le président américain a offert à l’Ukraine un compromis sécuritaire inédit, qui suscite autant d’espoirs que de doutes en Europe.
Le 15 août à Anchorage, Donald Trump et Vladimir Poutine se sont rencontrés pour un sommet attendu, mais sans résultats tangibles. Le lendemain, le président américain a téléphoné à son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky afin de présenter une proposition de compromis. Au centre de l’offre : des garanties de sécurité proches de l’esprit de l’article 5 de l’Otan, mais sans l’adhésion formelle de Kiev à l’Alliance atlantique.
Un modèle d’« article 5 » sans l’Otan
Selon deux sources proches des négociations citées par l’agence Reuters, Trump a évoqué une formule inspirée du principe de défense collective qui fonde l’Otan : une attaque contre l’Ukraine serait considérée comme une attaque contre ses alliés. Washington s’engagerait alors à intervenir, directement ou indirectement, pour soutenir Kiev.
Cette ligne rouge satisferait en partie Moscou, dont l’opposition farouche à l’intégration de l’Ukraine dans l’Otan est constante depuis 2014. Elle permettrait aussi à Trump de se présenter comme garant de la sécurité ukrainienne, tout en évitant l’obstacle politique d’une adhésion pleine et entière à l’Alliance.
Réactions contrastées en Europe
La proposition a immédiatement suscité des demandes de précisions. Le chancelier allemand Friedrich Merz a confirmé que les États-Unis étaient prêts à s’associer à un dispositif sécuritaire pour Kiev, mais les contours restent flous : Washington s’engagerait-il militairement, ou seulement politiquement ?
En Italie, la Première ministre Giorgia Meloni a plaidé pour « une clause de sécurité collective incluant tous les partenaires, y compris les États-Unis ». Dans le nord de l’Europe, le groupe régional Nordic-Baltic Eight (Danemark, Estonie, Lettonie, Lituanie, Norvège, Suède, Finlande, Islande) a salué l’implication américaine, mais mis en garde : « Aucune restriction ne doit être imposée aux forces armées ukrainiennes ni à leur coopération internationale. »
Ces débats doivent se poursuivre lors d’une réunion virtuelle de la « Coalition des volontaires », dimanche 17 août, co-présidée par Emmanuel Macron, le Premier ministre britannique Keir Starmer et Friedrich Merz. Certains de ces dirigeants pourraient également assister aux discussions bilatérales prévues à Washington le 18 août entre Trump et Zelensky.
Moscou exige Donetsk et Louhansk
Pendant que Washington et Kiev échangent sur la question sécuritaire, Vladimir Poutine a formulé ses conditions. Le Kremlin, qui a jugé le sommet d’Alaska « opportun » et « utile », exige que l’Ukraine cède les oblasts de Donetsk et Louhansk, dont l’armée russe contrôle déjà la majeure partie.
En échange, Moscou promettrait de geler les lignes de front dans les autres territoires occupés. Une demande en ligne avec la logique transactionnelle évoquée par Trump avant Anchorage, lorsqu’il parlait d’« échanges de territoires au bénéfice des deux parties ».
Selon Reuters, Zelensky a d’ores et déjà rejeté cette exigence, rappelant que la Constitution ukrainienne interdit toute cession de territoire.
Un compromis fragile aux conséquences lourdes
Si la proposition américaine venait à se concrétiser, elle marquerait un tournant : l’Ukraine bénéficierait d’une forme de parapluie sécuritaire sans intégrer l’Otan, ce qui satisferait la Russie tout en maintenant Kiev sous une protection symbolique occidentale.
Mais cette formule soulève autant de questions que d’espoirs :
- Quelle crédibilité aurait un engagement américain hors du cadre otanien ?
- L’Europe accepterait-elle un dispositif qui institutionnalise une Ukraine vulnérable et amputée ?
- Poutine, qui ne cesse de gagner du temps, ne verrait-il pas là une nouvelle étape vers la reconnaissance implicite de ses conquêtes territoriales ?
Pour Trump, l’enjeu est double : afficher un succès diplomatique et se poser en artisan de la paix. Pour Kiev, c’est le risque de voir ses alliés négocier sa sécurité et son territoire sans son accord. Pour Moscou, c’est la promesse d’obtenir, sans concessions majeures, la reconnaissance de ses gains militaires.
Derrière les mots et les garanties, le sommet d’Anchorage et ses suites confirment un glissement dangereux. L’Ukraine est invitée à choisir entre une protection incomplète et des pertes territoriales irréversibles, tandis que le Kremlin se félicite d’avoir replacé Moscou au cœur du jeu diplomatique international.
Paul Lamier Grandes Lignes












