5 Nov 2025, mer

Avant l’invasion, la CIA savait. Mais pouvait-elle empêcher la guerre ?

Avant l’invasion, la CIA savait. Mais pouvait-elle empêcher la guerre

La publication du livre La Mission L’enquête choc sur la CIA de Tim Weiner (Robert Laffont, 2 octobre) jette une lumière crue sur un chapitre méconnu du conflit russo-ukrainien : l’anticipation américaine de l’« opération spéciale » de Vladimir Poutine. Le récit montre une CIA transformée, capable d’infiltrer le cœur du pouvoir russe et d’alerter Kiev bien avant le 24 février 2022. Mais il soulève aussi une question centrale : savoir, est-ce pouvoir ?

Une stratégie inédite : dévoiler pour dissuader

À l’automne 2021, Washington dispose de renseignements concordants : Poutine prépare une invasion. Satellites, écoutes, taupes et analystes aboutissent à la même conclusion. Plutôt que de garder ces informations secrètes, la Maison-Blanche choisit une ligne nouvelle : déclassifier et rendre publiques certaines données, briefer ses alliés et armer l’Ukraine politiquement autant que militairement. L’objectif : priver le Kremlin de l’effet de surprise et créer un front diplomatique uni avant même le premier tir.

L’Ukraine, huit ans de reconstruction souterraine

Weiner rappelle que la préparation de Kiev ne date pas de 2021. Depuis la Crimée et le Donbass en 2014, la CIA investit dans la reconstruction du renseignement ukrainien, alors gangrené par des agents prorusses.

  • Nettoyage massif des services de sécurité (90 % des cadres limogés).
  • Formation à la guerre asymétrique : anti-chars, communications clandestines, camouflage.
  • Infrastructure modernisée grâce à l’appui logistique américain.

Cette coopération, longtemps invisible, permet en 2022 à l’Ukraine de ne pas s’effondrer dès les premières heures de l’offensive.

Le récit d’un échec annoncé… et contredit

Le livre montre aussi les limites du renseignement. Les analystes américains prévoyaient un effondrement rapide de Kiev, sur le modèle de Kaboul en 2021. Ils ont sous-estimé la combativité ukrainienne et la corruption au sein de l’armée russe. Washington savait que la guerre allait éclater, mais pas comment elle tournerait.

Cette erreur de calcul révèle une vérité inconfortable : l’information ne suffit pas à écrire l’Histoire. Le renseignement éclaire, mais ne remplace ni la politique, ni la volonté populaire, ni la dynamique du champ de bataille.

Une guerre de l’information à double tranchant

L’usage massif de révélations par Washington a marqué une rupture. Montrer publiquement les intentions de Moscou a contribué à renforcer la légitimité des sanctions et l’aide militaire. Mais cette stratégie a aussi un prix : exposer ses sources, brûler des méthodes et déplacer le renseignement sur le terrain médiatique.

Elle ouvre un précédent : à l’avenir, les démocraties devront arbitrer entre l’efficacité tactique de la discrétion et la puissance stratégique de la transparence.

La leçon pour demain

À travers l’« opération spéciale » de Poutine, Tim Weiner montre que la CIA est revenue à son ADN : espionner, infiltrer, anticiper. Mais il souligne surtout une transformation : le renseignement n’est plus seulement ce que l’on garde secret, mais aussi ce que l’on choisit de révéler.

En 2022, l’Ukraine n’a pas évité la guerre, mais elle a évité l’effondrement. Cette différence, née d’années de préparation souterraine et d’une stratégie américaine inédite, a changé le destin du conflit. Et elle laisse une certitude : à l’ère des rivalités ouvertes, l’espionnage est devenu une arme politique autant que militaire.

Paul Lamier  Grandes Lignes

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