L’agence Moody’s vient de reconduire la note Ba1 de Bank of Africa (BOA), assortie d’une perspective stable. Un signal positif pour la banque marocaine, qui confirme sa solidité au niveau national. Mais ce satisfecit n’est pas sans réserve. Car si la maison-mère rassure, ses filiales subsahariennes continuent de nourrir l’inquiétude des analystes.
Une assise nationale solide
Dans un contexte régional marqué par une volatilité accrue, le maintien de la note Ba1 représente un point d’ancrage stratégique pour BOA. Moody’s salue en effet la résilience de la banque sur son marché domestique. Avec 44 % d’actifs liquides et un ratio prêts/dépôts de 88 %, la banque affiche des ratios de gestion prudente qui renforcent sa capacité à absorber les chocs.
Les dépôts, qui représentent près des deux tiers de son financement hors capitaux propres, proviennent principalement d’une clientèle de détail fidèle, ce qui garantit une certaine stabilité à long terme. L’agence souligne également une rentabilité pré-provisions stable (2,5 % des actifs), portée par une activité de détail bien diversifiée au Maroc comme à l’international.
L’Afrique subsaharienne, entre opportunités et risques
Mais l’expansion panafricaine de BOA, notamment dans l’UEMOA, reste un facteur d’exposition. Près de 27 % de ses encours sont logés dans des zones jugées à risque, comme le Burkina Faso, le Mali ou encore le Niger. Des pays où l’instabilité politique, les tensions sécuritaires et les fragilités macroéconomiques augmentent la probabilité de défauts. Résultat : un taux de créances douteuses élevé, à hauteur de 10 %.
Moody’s insiste néanmoins sur un facteur atténuant : la couverture de ces créances problématiques atteint 88 %, un niveau robuste. Cela compense partiellement la pression sur les fonds propres tangibles, estimés à 7,2 % des actifs pondérés en 2024, soit un niveau jugé modeste mais conforme aux standards du continent.
Un filet de sécurité étatique
L’autre pilier du maintien de la note repose sur le statut de BOA en tant qu’acteur systémique au Maroc. Avec plus de 12 % de parts de marché sur les dépôts, la banque est étroitement surveillée par Bank Al-Maghrib. Moody’s estime qu’en cas de stress majeur, un soutien de l’État marocain serait hautement probable. Ce facteur justifie une bonification de trois crans dans la note finale.
Perspectives : stabilité sous condition
À court terme, Moody’s ne prévoit pas de retournement majeur, ni en mieux ni en pire. Mais l’évolution dépendra d’une double dynamique. D’un côté, le Maroc, porté par une relance post-Covid dynamique, accueillera dans les prochaines années de grands événements sportifs CAN 2025, Mondial 2030 qui devraient favoriser l’investissement et la consommation. De l’autre, les incertitudes sécuritaires et budgétaires en Afrique de l’Ouest pourraient continuer de peser sur la qualité d’actifs du groupe.
L’équation est donc claire pour BOA : maintenir l’équilibre entre rendement et résilience, tout en consolidant sa structure de capital. Dans un paysage bancaire africain sous pression, cette stratégie pourrait bien devenir la norme plutôt que l’exception.
Adonis Kanga Grandes Lignes