Un groupe de 49 Sud-Africains blancs, principalement des Afrikaners, doit arriver aux États-Unis ce lundi en tant que réfugiés. Cette initiative s’inscrit dans le cadre de la politique controversée du président américain Donald Trump, qui a ouvert la porte à la réinstallation de ces « victimes de discrimination raciale injuste ». Mais cette décision a suscité des débats en Afrique du Sud et au-delà.
Une arrivée sous haute tension
Les 49 Afrikaners, chacun transportant six valises, ont quitté Johannesburg dimanche soir à bord d’un avion affrété spécialement pour eux. Ils devraient atterrir à l’aéroport international de Dulles, près de Washington. Ces Sud-Africains seront les premiers à bénéficier de l’offre d’asile lancée par Donald Trump en janvier, une initiative qui s’inscrit dans sa politique de soutien aux « victimes de discrimination ».
Une initiative soutenue par Elon Musk
Ce programme a été impulsé en grande partie par Trump lui-même, influencé par son conseiller d’origine sud-africaine, Elon Musk. Les deux hommes ont repris des allégations provenant de groupes marginaux affirmant que les Afrikaners sont opprimés sous le gouvernement démocratique multiracial qui a succédé au régime de l’apartheid en 1994.
Le président Trump a publiquement dénoncé ce qu’il considère comme une « persécution » des agriculteurs blancs en Afrique du Sud, évoquant des attaques ciblées et des expulsions de terres agricoles, bien que ces affirmations n’aient pas été étayées par des preuves.
La réponse du gouvernement sud-africain
À Pretoria, le gouvernement sud-africain a fermement rejeté cette initiative, qualifiant les allégations de persécution des Afrikaners de « désinformation ». Le président Cyril Ramaphosa a déclaré que ces personnes n’étaient pas persécutées et qu’elles quittaient le pays « parce qu’elles ne veulent pas accepter les changements qui se produisent dans notre pays ».
« Ils ne sont pas traqués, ils ne sont pas maltraités », a insisté Ramaphosa lundi. « Ils partent ostensiblement parce qu’ils ne veulent pas accepter les transformations en cours dans notre pays. »
Le ministre sud-africain des Affaires étrangères, Ronald Lamola, a de son côté rappelé que les Afrikaners restaient, en termes de richesse et de propriété foncière, l’un des groupes les plus privilégiés du pays.
Les Afrikaners : victimes ou privilégiés ?
Les Afrikaners, descendants des colons européens arrivés en Afrique du Sud au XVIIe siècle, représentent environ 5 % de la population sud-africaine. Durant l’apartheid, ils ont détenu la majorité du pouvoir politique et économique. Depuis l’avènement de la démocratie en 1994, certains groupes d’Afrikaners ont affirmé être victimes de discriminations inversées, notamment à travers des politiques de discrimination positive en faveur de la majorité noire.
Donald Trump a fait de cette question un symbole de sa croisade contre ce qu’il considère comme une discrimination anti-blanche dans certaines régions du monde. En janvier, il a promis que les Afrikaners persécutés pourraient trouver refuge aux États-Unis.
Des données qui contredisent les allégations
Pourtant, les chiffres ne soutiennent pas l’idée d’une persécution ciblée. Les données du Syndicat agricole du Transvaal montrent que les meurtres dans les fermes sud-africaines ont diminué au fil des ans. En 2024, il y a eu 32 meurtres et 139 attaques dans les fermes, touchant à la fois des propriétaires blancs et des travailleurs noirs.
Le ministre Lamola a souligné que les Afrikaners qui quittent le pays ne peuvent pas être considérés comme des réfugiés, car ils ne subissent aucune forme de persécution systématique. « Ils ne peuvent fournir aucune preuve de persécution, car il n’y en a pas », a-t-il déclaré.
Un contexte diplomatique tendu
L’initiative de Trump a également tendu les relations entre Washington et Pretoria. Le gouvernement sud-africain a dénoncé ce qu’il considère comme une tentative des États-Unis de discréditer le pays sur la scène internationale.
Les tensions entre les deux pays se sont intensifiées ces dernières années, notamment après que l’Afrique du Sud a porté plainte contre Israël pour « génocide » devant la Cour internationale de justice, une initiative que Washington a critiquée.
Malgré ces désaccords, Pretoria espère que les relations avec les États-Unis pourront s’améliorer. Le président Ramaphosa doit rencontrer Donald Trump à Washington le 21 mai pour tenter de désamorcer la situation.
Une exception dans une politique migratoire stricte
L’arrivée de ces Afrikaners aux États-Unis intervient dans un contexte où l’administration Trump a considérablement durci les conditions d’asile pour d’autres nationalités. Les réfugiés venant de pays en guerre comme l’Afghanistan ou la République démocratique du Congo se heurtent à des restrictions sévères, tandis que les Afrikaners semblent bénéficier d’un traitement de faveur.
Le département d’État américain a même réaménagé des bureaux vides à Pretoria pour accueillir temporairement les réfugiés Afrikaners en attendant leur transfert aux États-Unis.
L’arrivée de ces Afrikaners aux États-Unis pourrait être perçue comme un symbole de la politique de Trump, qui s’appuie sur une rhétorique de protection des minorités blanches dans certains pays. Elle met également en lumière les tensions raciales persistantes en Afrique du Sud, où le passé de l’apartheid continue de hanter la société.
Pour Trump, cette initiative pourrait renforcer son image auprès de sa base électorale, en particulier parmi ceux qui partagent ses inquiétudes sur la « discrimination anti-blanche ». Pour l’Afrique du Sud, en revanche, cette initiative risque d’alimenter les discours de division dans un pays encore en quête de réconciliation.