À Tianjin, la rencontre entre Vladimir Poutine, Xi Jinping et Narendra Modi a marqué une étape majeure dans l’affirmation d’un monde multipolaire. Entre gestes symboliques et annonces économiques, le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) met en lumière la volonté de Moscou, Pékin et New Delhi de remodeler l’ordre mondial.
Une image soigneusement chorégraphiée
La poignée de mains et les sourires affichés par Poutine, Xi et Modi à l’ouverture du sommet ont frappé les esprits. Pour la presse russe, cette scène résume « le cauchemar du collectif occidental » : l’émergence d’un axe Moscou-Pékin-New Delhi au cœur d’un sommet rassemblant près de trente pays, du Pakistan à la Turquie.
Ce symbole d’unité n’est pas anodin. Alors que Washington accentue sa politique de sanctions et que l’Union européenne suit le pas, la Chine, l’Inde et la Russie affichent une volonté de peser autrement dans les équilibres mondiaux.
Le discours multipolaire
Les déclarations officielles ont convergé :
- Vladimir Poutine a dénoncé les « modèles euro-atlantiques périmés » et proposé la création d’une banque de développement de l’OCS et d’un système de paiement indépendant.
- Xi Jinping a appelé à « résister aux confrontations de blocs » et aux « intimidations » américaines.
- Narendra Modi, discret mais présent, a renforcé l’image d’une Inde prête à coopérer avec Moscou et Pékin, même sous pression occidentale.
Les ambitions économiques
Au-delà des slogans, le sommet a voulu donner des bases concrètes au discours multipolaire :
- une croissance cumulée de 5 % en 2024 pour les pays membres de l’OCS ;
- un PIB de 30 000 milliards de dollars ;
- l’idée d’obligations communes pour financer des projets stratégiques.
Mais des limites persistent. Le commerce intra-OCS reste huit fois inférieur au commerce extérieur de ses membres. La perspective d’une alternative crédible au dollar apparaît encore fragile.
Washington en marge
Pour la presse russe, ce sommet est une victoire symbolique : Moscou, isolé par les sanctions, retrouve une place centrale sur la scène internationale. Pékin y voit une consolidation de son rôle de moteur économique. Quant à l’Inde, elle profite de son rôle pivot pour peser entre deux blocs sans rompre totalement avec l’Occident.
Dans cette partie d’échecs mondiale, Moscou, Pékin et New Delhi avancent ensemble, laissant Washington sur la défensive. « L’éléphant indien a fait un pas droit vers Moscou et Pékin », résume Moskovski Komsomolets.
Ce sommet de Tianjin confirme une réalité : la compétition entre un ordre mondial hérité de l’après-guerre et une architecture multipolaire en gestation. Pour l’heure, l’OCS n’a pas les moyens d’imposer une nouvelle règle du jeu, mais elle trace déjà les contours d’une alternative.
Adonis Kanga Grandes Lignes