Bruxelles lance un vaste plan pour transformer l’épargne « dormante » des ménages européens en levier d’investissement. Objectif affiché : mobiliser 1 200 milliards d’euros en dix ans afin de renforcer la compétitivité de l’Union et réduire sa dépendance aux capitaux étrangers.
Un trésor de 10 000 milliards sous-exploité
Selon la Commission européenne, près de 70 % de l’épargne des citoyens de l’Union environ 10 000 milliards d’euros repose aujourd’hui sur des produits à faible rendement, comme les livrets traditionnels. Une épargne sûre, mais improductive, qui s’érode face à l’inflation et échappe au financement direct de l’économie réelle. Bruxelles estime que cette manne pourrait devenir une arme stratégique pour stimuler la croissance et financer l’innovation.
Le Compte d’épargne et d’investissement
Pour capter cette richesse, la Commission a présenté le Compte d’épargne et d’investissement (CEI), un livret paneuropéen permettant d’investir dès 10 euros par mois dans des actions, obligations ou fonds européens. Chaque État membre aurait la possibilité de définir des avantages fiscaux incitatifs. Objectif : rendre l’investissement accessible aux ménages et canaliser une partie de leur épargne vers les marchés de capitaux européens.
1 200 milliards d’euros en dix ans
La commissaire Maria Luís Albuquerque affirme qu’une telle mobilisation pourrait générer 1 200 milliards d’euros supplémentaires d’investissements d’ici 2035. Une somme qui renforcerait la capacité de l’industrie européenne à rivaliser avec ses concurrents américains et asiatiques, mieux dotés en capitaux domestiques. Mais le défi reste immense : le marché européen demeure fragmenté par des régulations et fiscalités nationales divergentes, freinant l’accès des PME et des start-up aux financements locaux.
Des exemples déjà en place
Certains pays ont pris de l’avance. En France, le Plan d’épargne en actions (PEA) compte 114 milliards d’euros d’actifs. En Suède, l’Investment Savings Account (ISK) est devenu plus populaire que le livret A, avec plus de 3,8 millions d’utilisateurs et une fiscalité avantageuse. Bruxelles veut s’inspirer de ces réussites pour harmoniser les dispositifs et les étendre à l’échelle européenne.
Stopper la fuite des capitaux
Au-delà du financement interne, l’enjeu est aussi de réduire l’exode annuel de 300 milliards d’euros vers les marchés américains, largement dominants dans les portefeuilles mondiaux. Emmanuel Macron et François Villeroy de Galhau ont déjà dénoncé une « aberration » : l’épargne européenne profite aujourd’hui davantage à Wall Street qu’aux entreprises du continent.
La réussite de ce plan dépendra autant de la capacité de Bruxelles à harmoniser les règles que de la volonté des Européens à prendre des risques avec leur épargne. Car au-delà de l’ingénierie financière, il s’agit aussi de changer les mentalités : transformer l’Europe des livrets en une Europe des investisseurs.
Adonis Kanga Grandes Lignes












