La fermeture du gouvernement fédéral, qui aurait pu être un épisode temporaire de négociations budgétaires, est devenue sous Donald Trump un outil politique. L’administration utilise ce blocage comme levier non seulement pour réduire les dépenses publiques, mais aussi pour cibler ses adversaires politiques et remodeler l’État fédéral à sa manière.
Un shutdown transformé en arme politique
Mercredi, la Maison Blanche a annoncé la suspension de 26 milliards de dollars de financements, en grande partie destinés à des États dirigés par les démocrates. Parmi ces mesures :
- 8 milliards de dollars liés à des programmes climatiques, qualifiés de « gaspillage » par l’équipe Trump.
- 18 milliards de dollars d’investissements d’infrastructures, dont une part importante pour New York, bastion des démocrates Chuck Schumer et Hakeem Jeffries, régulièrement pris pour cibles par le président.
Ces coupes, annoncées par Russell T. Vought, directeur du budget, donnent une coloration ouvertement politique au shutdown. Elles traduisent la volonté affichée par Trump de punir ses opposants, tout en réduisant le champ d’action du gouvernement fédéral.
Une stratégie assumée de licenciements massifs
Au-delà des suspensions de crédits, la Maison Blanche prépare une vague de licenciements fédéraux.
- Des dizaines de milliers de fonctionnaires jugés « non essentiels » pourraient perdre leur poste.
- JD Vance, le vice-président, a confirmé que ces coupes viseraient à « préserver les services essentiels », tout en permettant à Trump de concrétiser son ambition de réduire drastiquement l’appareil d’État.
Ces menaces ne sont pas nouvelles : depuis le début de son second mandat, le président a cherché à renforcer son emprise sur l’administration, quitte à tester les limites juridiques de ses décisions.
Conséquences pour les services publics et les familles
Les impacts sont déjà visibles :
- Des fonctionnaires placés en chômage partiel, contraints de travailler sans salaire, notamment dans les secteurs stratégiques comme l’armée ou la sécurité aéroportuaire.
- Des services publics suspendus ou fortement réduits, fragilisant des millions d’Américains qui dépendent de programmes sociaux ou de subventions fédérales.
- Des incertitudes économiques croissantes pour les familles et les entreprises, avec un risque d’effet domino sur la croissance.
Cette utilisation punitive du shutdown alimente la colère des syndicats, qui ont déjà déposé plainte, dénonçant une instrumentalisation illégale de la paralysie budgétaire.
Une rupture avec les pratiques passées
Historiquement, les shutdowns étaient perçus comme des crises temporaires nées d’un désaccord entre le Congrès et la présidence. Mais sous Trump, ils deviennent une opportunité politique.
- Voice of America a été mis à l’arrêt, avec tous ses journalistes mis au chômage technique.
- Le ministère de l’Intérieur a ordonné à ses employés de rapporter leur matériel officiel à domicile, en prévision de licenciements massifs.
- L’administration assume ouvertement que la fermeture est utilisée pour « maximiser la douleur », selon les termes d’un conseiller.
Cette stratégie marque une rupture : le shutdown n’est plus un dommage collatéral, mais un instrument de gouvernement.
Les réactions et les limites
Les démocrates dénoncent une approche « cynique » et « destructrice ». La sénatrice Patty Murray a fustigé une Maison Blanche qui traite « les familles américaines comme des pions dans un jeu politique ».
Pour Trump, au contraire, l’impasse budgétaire est l’occasion de réaffirmer une vision élargie du pouvoir exécutif et de remodeler l’État fédéral selon ses priorités : moins de climat, moins de programmes sociaux, plus de contrôle présidentiel.
Reste à savoir si cette stratégie résistera aux tribunaux, où plusieurs recours sont déjà en cours, et surtout si elle ne finira pas par alimenter un contrecoup politique et social difficile à contenir.
Paul Lamier Grandes Lignes












