Le feuilleton politique s’intensifie à quelques jours d’un rendez-vous crucial pour le PDCI-RDA. La justice ivoirienne a décidé, jeudi, de suspendre la délivrance d’un certificat de nationalité à Tidjane Thiam, président du parti et favori à l’investiture pour la présidentielle d’octobre 2025. Une décision explosive, qui relance les tensions internes au sein de la formation héritière d’Houphouët-Boigny.
Une décision judiciaire aux lourdes conséquences
Dans une ordonnance officielle, le tribunal a estimé que la nationalité de Tidjane Thiam faisait l’objet d’un recours « tendant à faire constater la perte de sa nationalité », justifiant ainsi la suspension du processus administratif jusqu’à nouvel ordre.
Le recours a été introduit par Valérie Yapo, militante du parti, récemment réintégrée après avoir été exclue pour avoir critiqué la désignation de Thiam à la tête du PDCI, en décembre dernier. Elle remet en cause la régularité de son élection, au motif qu’il n’avait pas encore renoncé à sa nationalité française, condition requise pour briguer la présidence du parti.
Un parcours personnel entre deux nations
Né à Abidjan, Tidjane Thiam est issu d’une famille ancrée dans l’histoire politique ivoirienne. Fils d’Amadou Thiam, ancien ministre et ressortissant d’une des « Quatre Communes » du Sénégal — donc citoyen français selon la loi Blaise Diagne de 1916 — et de Marietou Thiam, nièce du président Félix Houphouët-Boigny, il bénéficie d’une double légitimité, mais aussi d’une double nationalité qu’il a conservée jusqu’à récemment.
Ce n’est que le 20 mars 2024 qu’il officialise sa renonciation à la nationalité française, dans l’optique de se conformer aux exigences de la constitution ivoirienne et du PDCI.
Des accusations qui ravivent le spectre de l’« ivoirité »
La controverse actuelle fait écho à des débats déjà anciens en Côte d’Ivoire, où la question de la nationalité a longtemps été utilisée comme levier d’exclusion politique. Le cas emblématique reste celui d’Alassane Ouattara, accusé à l’époque d’être d’origine burkinabè et écarté de la présidentielle en 1995 et 2000.
Aujourd’hui, ce sont les adversaires de Thiam qui invoquent l’article 48 du Code de nationalité de 1961, qui stipule que tout Ivoirien majeur acquérant volontairement une autre nationalité perd la sienne. Un argument juridique lourd, à la veille de la convention du 16 avril, censée désigner le candidat du PDCI à la présidentielle.
Une bataille politique, juridique… et symbolique
Alors que Jean-Louis Billon, autre poids lourd du parti, a également renoncé à sa nationalité française, la compétition interne s’intensifie. Et l’affaire Thiam pourrait bien redessiner les équilibres au sein du PDCI, si la justice venait à trancher contre lui.