Face à l’essor du digital dans le secteur bancaire, les institutions africaines font face à une menace croissante : celle des cyberattaques. Ghislaine Samaké, directrice d’Ecobank Guinée-Bissau, alerte sur l’urgence d’un cadre régional solide, associant États, banques centrales et acteurs privés.

Parmi les défis majeurs de la transformation numérique du secteur financier africain, la cybersécurité s’impose désormais comme une priorité absolue. Selon une étude de la Banque européenne d’investissement, 65 % des banques d’Afrique subsaharienne identifient les cyberrisques comme un frein à la digitalisation.

À l’occasion du Cyber Africa Forum 2025 à Cotonou, Ghislaine Samaké, directrice d’Ecobank Guinée-Bissau, a détaillé la stratégie de son groupe tout en plaidant pour une approche collective à l’échelle régionale.

Des infrastructures plus robustes, mais encore vulnérables

Pour Samaké, les progrès réalisés ces dernières années sont indéniables : investissements massifs dans les core banking systems, certifications de data centers, redondance des données… Mais cela ne suffit pas. « La résilience ne dépend pas uniquement de la technologie, elle repose aussi sur la coordination régionale et la capacité à réagir rapidement en cas d’incident », souligne-t-elle.

Des dispositifs comme les tests d’intrusion partagés ou des centres d’alerte sous-régionaux restent encore trop peu déployés, alors même que les menaces évoluent rapidement.

Des risques accrus avec la digitalisation

Mobile banking, API ouvertes, cloud, agents de proximité : les points d’entrée se multiplient à mesure que les services se digitalisent. Cette extension de l’écosystème expose les banques à des attaques de plus en plus sophistiquées, allant du phishing aux intrusions dans les interfaces.

Ecobank a opté pour une approche multicouche. Surveillance comportementale en temps réel, double authentification, gestion des accès internes, cryptage intégral et stress tests réguliers sont devenus la norme. « La cybersécurité est désormais intégrée dans notre stratégie digitale. Ce n’est plus un sujet périphérique », affirme Ghislaine Samaké.

Former pour mieux prévenir : l’humain, premier maillon faible

Consciente que la faille humaine reste la plus exploitée, Ecobank a lancé des campagnes internes et externes de sensibilisation. Les collaborateurs sont formés régulièrement via des modules sur le phishing ou l’ingénierie sociale, appuyés par des tests de simulation.

Côté clients, des alertes, contenus éducatifs et rappels de bonnes pratiques sont intégrés à l’application mobile et aux supports en agence. Objectif : ancrer une culture cyber même chez les primo-utilisateurs, souvent les plus exposés.

Intelligence artificielle et biométrie : les nouveaux alliés du secteur

Pour anticiper les menaces, Ecobank mise sur l’IA dans l’analyse comportementale des transactions et le scoring de risque en temps réel. Quant à la biométrie empreintes digitales, reconnaissance faciale, codes dynamiques elle est au cœur des mécanismes d’authentification, notamment sur les applications mobiles.

« Il faut garantir la sécurité sans sacrifier l’inclusivité », rappelle Samaké, en référence à une clientèle souvent peu familiarisée avec les outils numériques.

Un cadre réglementaire régional à consolider

La BCEAO, selon la dirigeante, a posé les bases d’un écosystème sécurisé, notamment via l’agrément des fintechs et l’encadrement des innovations. Mais l’heure est venue de renforcer l’harmonisation entre pays membres.

Elle appelle à la mise en place de plateformes d’alerte communes, de protocoles de réponse coordonnés et d’un cadre légal renforcé, soutenu par des formations dédiées aux opérateurs critiques.

« La cybersécurité n’est pas seulement une affaire bancaire. C’est un enjeu de souveraineté numérique et une politique publique à part entière », conclut-elle.