4 Nov 2025, mar

Dakar mise sur sa diaspora pour relancer l’économie

Dakar mise sur sa diaspora pour relancer l’économie
Lecture 05 min. Publié le 23 octobre 2025 

Alors que la dette publique atteint un niveau inédit et que les agences de notation tirent la sonnette d’alarme, le Sénégal tente une nouvelle voie : mobiliser l’épargne de sa diaspora pour financer sa relance économique. Une stratégie audacieuse, à la croisée du pragmatisme financier et de la reconquête de souveraineté économique.

Derrière le succès apparent de sa dernière levée de fonds, se cache une réalité plus complexe : un pays à la recherche d’un second souffle financier, et d’une stratégie crédible pour restaurer la confiance.

Une dette qui fragilise la souveraineté financière

Le 10 octobre dernier, le ministère sénégalais des Finances annonçait fièrement avoir levé plus de 450 milliards FCFA, environ 686 millions d’euros sur le marché régional de l’UEMOA, dépassant de 150 % ses objectifs.

Un succès technique indéniable, mais qui survient dans un climat d’inquiétude : la découverte d’une « dette cachée » de plus de 8 300 milliards FCFA, représentant désormais près de 119 % du PIB.

Un niveau d’endettement inédit dans l’histoire du pays, qui a conduit l’agence Moody’s à dégrader la note souveraine du Sénégal à Caa1, est un signal clair d’un risque de défaut plus élevé.

Dakar dénonce une évaluation « spéculative et biaisée », mais la décision a fragilisé la crédibilité budgétaire du pays.

Surtout, elle souligne une dépendance structurelle : l’État sénégalais emprunte de plus en plus pour rembourser ses dettes passées, réduisant la marge de manœuvre budgétaire pour investir dans les priorités sociales ou productives.

La diaspora, un levier national en devenir

Face à cette impasse, le gouvernement mise sur sa diaspora, véritable colonne vertébrale économique du Sénégal.

Dispersés sur plus de 45 pays, les Sénégalais de l’étranger ont transféré près de 35 milliards d’euros entre 2000 et 2024, un flux supérieur aux investissements directs étrangers et à l’aide publique au développement cumulés.

Ces transferts, longtemps orientés vers la solidarité familiale, doivent désormais devenir un levier d’investissement productif.

C’est l’objectif du Plan de redressement économique et social (PRES), d’un montant de 5 667 milliards FCFA sur trois ans, présenté par le Premier ministre Ousmane Sonko.

À Milan, il a exhorté les Sénégalais de la diaspora à souscrire aux nouveaux « titres citoyens et patriotiques », instruments destinés à financer la reconstruction budgétaire et les projets d’infrastructures.

« La diaspora doit être le cœur de notre souveraineté économique », a déclaré un haut fonctionnaire sénégalais.

« Ce n’est pas de la charité, c’est un partenariat avec ceux qui n’ont jamais tourné le dos à leur pays. »

Entre ambition politique et fragilité structurelle

Si la stratégie paraît séduisante, elle ne résout pas tous les défis.

Les mécanismes actuels ne permettent pas encore de souscrire directement depuis l’étranger, obligeant les investisseurs à passer par une société de gestion ou une banque locale.

De plus, l’absence d’incitations fiscales et la méfiance persistante liée à la gouvernance financière du pays risquent de limiter l’enthousiasme.

L’expérience des diaspora bonds lancés par d’autres pays africains montre que le succès dépend avant tout de la confiance.

Le Nigeria avait mobilisé 300 millions de dollars en une journée en 2017, grâce à un fort sentiment d’appartenance et une communication transparente.

Le Sénégal, de son côté, avait testé un dispositif similaire en 2019 via la Banque de l’Habitat du Sénégal, levant 20 milliards FCFA un résultat encourageant, mais encore limité au regard des besoins actuels.

Un test politique pour le pouvoir Sonko-Faye

Au-delà des chiffres, cette levée de fonds a une portée politique.

Elle intervient alors que le nouveau pouvoir, incarné par le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, veut rompre avec la dépendance aux institutions de Bretton Woods.

Leur discours de souveraineté économique, axé sur la transparence et l’autofinancement, séduit une partie de la population lassée des politiques d’austérité dictées par le FMI.

Mais la situation reste fragile.

Sans redressement structurel ni maîtrise de la dette, la confiance des marchés comme celle des Sénégalais de la diaspora pourrait s’éroder rapidement.

Le pays doit encore prouver qu’il peut conjuguer rigueur budgétaire, stabilité politique et innovation financière sans retomber dans le piège de la dette à court terme.

Une équation à résoudre : souveraineté ou dépendance ?

L’ambition du Sénégal de transformer sa diaspora en partenaire économique stratégique traduit une volonté de réappropriation de sa trajectoire financière.

Mais elle révèle aussi les contradictions d’un modèle encore tributaire des marchés internationaux, de la notation des agences étrangères et des règles de l’UEMOA.

L’avenir de cette stratégie dépendra de la capacité du gouvernement à instaurer une gouvernance crédible, à canaliser les investissements vers l’économie réelle et à éviter le piège du financement politique déguisé.

La diaspora sénégalaise ne représente pas seulement un atout sentimental : c’est une puissance financière dormante, que Dakar tente désormais de réveiller.

Mais entre promesse de souveraineté et risque de désillusion, le pari de la diaspora sera aussi celui de la crédibilité économique du Sénégal dans les années à venir.

Adonis Kanga Grandes Lignes (Agence Ecofin)

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