Dans la nuit du jeudi 5 au vendredi 6 juin, Beyrouth s’est réveillée au son des explosions. Des frappes israéliennes ont visé plusieurs immeubles dans la banlieue sud de la capitale libanaise, marquant l’attaque la plus intense depuis l’instauration du cessez-le-feu de novembre dernier. Une action qui dépasse le simple cadre militaire.
Les télévisions locales ont diffusé en boucle des images de panique. Des familles fuyant à la hâte, des enfants dans les bras, des immeubles évacués en pleine nuit. Huit bâtiments résidentiels avaient reçu un ordre d’évacuation. Selon l’armée israélienne, il s’agissait de frapper des installations du Hezbollah, notamment des souterrains utilisés pour la fabrication de drones. Mais le moment choisi ne doit rien au hasard.
Un avertissement au pouvoir libanais
Cette offensive intervient à l’heure où le Premier ministre Nawaf Salam, en poste depuis cent jours, affiche sa volonté de démanteler les milices encore présentes sur le territoire. Le désarmement des camps palestiniens est annoncé pour mi-juin. Le Hezbollah est également dans le viseur. Plus de 500 de ses sites militaires auraient été démantelés cette année dans le sud du Liban, mais le rythme de cette opération ne satisfait manifestement pas Tel-Aviv.
Nawaf Salam a réagi immédiatement après les frappes, dénonçant une attaque contre la sécurité du pays à la veille des fêtes et de la saison touristique. Son gouvernement, déjà confronté à une situation économique et sociale difficile, se retrouve sous pression. De son côté, le président libanais Joseph Aoun poursuit une stratégie de dialogue avec le Hezbollah. Il a reçu les représentants du parti il y a une semaine. Mais cette approche diplomatique ne semble pas peser dans la balance régionale.
Dans sa déclaration, le chef de l’État libanais évoque une instrumentalisation du Liban : « Israël utilise notre territoire pour envoyer un message aux États-Unis », a-t-il lancé, dans une allusion directe aux tensions grandissantes entre l’administration Trump et le gouvernement de Benyamin Nétanyahou, sur fond de négociations sensibles autour du nucléaire iranien.
Le timing de l’attaque coïncide également avec la mise à l’écart, en début de semaine, de l’envoyée spéciale de la Maison Blanche, Morgan Ortagus, pourtant perçue comme une alliée d’Israël. Un autre signal que Tel-Aviv aurait pu vouloir envoyer, cette fois en direction de Washington.
Une paix sous pression
Sur le terrain, les risques d’escalade s’accumulent. Gaza, la Cisjordanie, la Syrie : les fronts se multiplient. À Gaza, les déplacements forcés de population se poursuivent, tandis que la colonisation s’accélère en Cisjordanie. En Syrie, les frappes israéliennes ciblent désormais les équipements militaires des autorités de transition, pourtant restées à l’écart du conflit avec Israël.
Dans ce contexte, le bureau de coordination de l’ONU au Liban a mis en garde contre toute nouvelle escalade. Des tentatives de médiation ont bien eu lieu dans la soirée de jeudi. L’armée libanaise aurait proposé une inspection conjointe des sites ciblés, comme le prévoit l’accord de cessez-le-feu. Une procédure ignorée par Tel-Aviv.
Les habitants de Beyrouth, eux, redoutent que le fracas de cette nuit ne marque pas une exception, mais un nouveau cycle. Celui où les négociations se font désormais sous la menace.
Paul Lamier Grandes Lignes