29 Avr 2025, mar

Dans les ruines de Khartoum, l’armée reprend le palais présidentiel …

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Deux ans après le début d’un conflit fratricide, les forces armées soudanaises ont repris le palais présidentiel de Khartoum, marquant une percée militaire significative face aux paramilitaires des Forces de soutien rapide. Une victoire symbolique dans une ville exsangue, où les civils, piégés entre deux feux, tentent encore de survivre.

Un tournant dans la bataille de Khartoum

Le vendredi 21 mars 2025, aux premières lueurs du jour, les troupes du général Abdel Fattah al-Burhane ont annoncé avoir repris possession du palais présidentiel, joyau stratégique et haut lieu du pouvoir soudanais. Le bâtiment, largement endommagé par les affrontements, était aux mains des Forces de soutien rapide (FSR) depuis les premières heures de la guerre civile, en avril 2023.

Scènes de liesse, vidéos de soldats hurlant leur victoire, bras levés dans les couloirs criblés de balles. L’instant a été largement partagé sur les réseaux. Pourtant, au-delà de la célébration, la guerre est loin d’être finie.

Reprendre le palais, coûte que coûte

Le palais, une pièce maîtresse du jeu politique

Le palais présidentiel de Khartoum, adossé au Nil Bleu, est bien plus qu’un bâtiment administratif. Construit au XIXe siècle, il a vu défiler les gouverneurs coloniaux, les chefs d’État, les soulèvements et les putschs. Sa prise par les FSR en 2023 fut un coup dur pour l’armée. Sa reconquête en 2025 a donc valeur de revanche morale autant que stratégique.

Riposte immédiate et pertes humaines

À peine le palais tombé, les FSR ont lancé une contre-attaque fulgurante. Des drones ont survolé la zone avant de frapper l’entrée du bâtiment. Bilan : plusieurs soldats tués, ainsi que trois journalistes de la télévision d’État qui couvraient la reprise du site. Une démonstration de force qui rappelle que, même affaiblis, les paramilitaires restent capables de frapper vite et fort.

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Une offensive longue de six mois

Cette reconquête s’inscrit dans une contre-offensive plus large, entamée en septembre 2024, après plus d’un an et demi de domination des FSR à Khartoum. Quartier par quartier, les forces régulières ont repris le nord et l’est de la capitale, jusqu’à converger vers le palais. Leur avancée a été rendue possible grâce à un appui hétéroclite : milices locales, anciens rebelles du Darfour, islamistes, et même certains civils mobilisés depuis la révolution de 2019.

Une capitale en lambeaux

Mais cette victoire militaire ne suffit pas à masquer l’ampleur du désastre. Khartoum n’est plus que l’ombre d’elle-même. Ses rues sont désertes, ses immeubles éventrés, ses marchés à l’abandon. Selon les estimations, sur les huit millions d’habitants recensés avant la guerre, seuls deux millions seraient encore présents.

Dans certains quartiers, les buissons ont remplacé la circulation. Des cadavres jonchent les ruines, et la fumée s’élève des silos à blé détruits. L’armée fouille les zones reprises, déloge les derniers snipers, et transfère les habitants vers des camps périphériques, accusés parfois de cacher des soutiens aux FSR.

Des civils pris au piège

Pour ceux qui n’ont pas pu fuir, le quotidien est devenu un enfer. Coupures d’eau, absence de soins, accès humanitaire bloqué : Khartoum est une ville en siège. Certains tentent de survivre avec les restes, d’autres attendent l’aide internationale, qui peine à franchir les lignes. Les témoignages parlent de pillages, de fusillades, et de rançons imposées par les FSR dans les derniers jours.

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Le spectre d’une guerre qui s’étire

Les analystes sont prudents. Si l’armée contrôle désormais le centre, les FSR conservent encore des poches au sud de Khartoum et pourraient se replier vers leurs bastions à l’ouest, notamment au Darfour. Un pont au sud de la ville représente leur dernière voie de fuite, déjà ciblée par des frappes.

Loin d’une victoire définitive, cette reconquête pourrait précéder une nouvelle phase du conflit, plus mobile, plus diffuse, et tout aussi meurtrière.

Un palais lourd d’histoire

Le palais présidentiel de Khartoum n’est pas qu’un simple bâtiment administratif : c’est un monument national, un témoin de l’histoire politique du pays. Construit à l’époque ottomane, il a servi de résidence aux gouverneurs coloniaux, puis de centre du pouvoir après l’indépendance. Y hisser le drapeau national, c’est envoyer un message clair : l’État est encore debout. Le perdre, pour les FSR, c’est abandonner un symbole fort.

Une guerre sous influences étrangères

Comme souvent dans la région, la guerre soudanaise est aussi une guerre d’alliances. L’armée reçoit un appui tacite de l’Égypte et de l’Arabie saoudite. Les FSR, elles, seraient soutenues par les Émirats arabes unis et auraient bénéficié, selon des rapports, de l’aide du groupe Wagner, en échange d’accès à des mines d’or.

Cette toile d’alliances et de calculs rend toute médiation complexe. Plusieurs tentatives de paix, sous l’égide des Nations unies ou de pays tiers, ont échoué. Chacun des deux généraux reste convaincu de pouvoir l’emporter sur le champ de bataille.

Rien n’est joué

Malgré le recul symbolique que représente la perte du palais, les FSR restent opérationnels. Ils conservent des poches d’influence à Omdourman et dans d’autres quartiers périphériques. Des analystes estiment qu’ils pourraient même opérer une retraite tactique vers l’ouest du pays, notamment au Darfour, où ils disposent encore d’un soutien logistique solide.

Le scénario d’un pays divisé en deux n’est pas à exclure : un Soudan militaire autour de Khartoum, et un Soudan rebelle à l’ouest. À moins qu’un effort international massif ne parvienne à imposer un cessez-le-feu, les armes continueront de parler.

Un conflit aux multiples visages

Le conflit soudanais dépasse largement les frontières du pays. L’Égypte, qui dépend du Nil, soutient l’armée. L’Arabie saoudite fait de même. Mais les Émirats arabes unis, eux, sont soupçonnés de soutenir discrètement les FSR. La Russie aussi rôde : des liens auraient été établis entre les FSR et les mercenaires du groupe Wagner en échange d’intérêts miniers.

La reprise du palais est sans doute un tournant dans le conflit, mais elle ne signe pas la fin des hostilités. La guerre a déjà déplacé plus de 12 millions de personnes, détruit des infrastructures vitales et mis une grande partie de la population au bord de la famine.

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