Un an après leur arrivée au pouvoir, le tandem Bassirou Diomaye Faye – Ousmane Sonko montre des signes de fracture. Le Premier ministre sénégalais, ex-chef de file de l’opposition, multiplie les piques contre le président, dénonçant un manque de soutien et une « absence d’autorité ». Cette crise au sommet interroge sur l’avenir du pouvoir Pastef.
Un tandem qui vacille
L’image d’un duo soudé au sommet de l’État sénégalais se fissure. Plus d’un an après l’arrivée au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye, élu avec 54 % des suffrages en mars 2024, Ousmane Sonko, Premier ministre et chef de file du Pastef, multiplie les critiques. Celui qui fut l’architecte de la victoire de son allié ne mâche plus ses mots. Lors d’une intervention au conseil national du Pastef, il a reproché au président de ne pas le défendre face aux « attaques » qu’il subit, allant jusqu’à parler d’« absence d’autorité ».
« Diomaye moy Sonko » : une formule en question
Le slogan « Diomaye moy Sonko, Sonko moy Diomaye » qui avait galvanisé les électeurs semble aujourd’hui fragilisé. Si Bassirou Diomaye Faye tente d’apaiser les tensions, affirmant n’avoir « aucun conflit » avec son Premier ministre, les déclarations de ce dernier laissent transparaître des divergences stratégiques profondes. Dans son discours, Sonko a fustigé « les magistrats corrompus », « les résidus de l’opposition » et même « les fumiers de la société civile », tout en menaçant de couper les financements étrangers des ONG.
Une démocratie sous tension
Pour beaucoup, cette posture offensive masque l’absence de réformes concrètes. Ousmane Sonko, malgré une majorité écrasante à l’Assemblée (130 députés sur 165), peine à lancer les chantiers promis, en raison d’un manque de ressources budgétaires. « Il se cherche une opposition pour expliquer son impuissance », analyse le politologue Assane Samb. Les convocations récentes de journalistes et d’opposants par la police illustrent ce climat tendu, au point que certains observateurs évoquent une dérive autoritaire.
L’épineuse question de la justice
La confirmation, début juillet, de la condamnation de Sonko pour diffamation contre l’ancien ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, a ravivé les tensions. Cette condamnation l’avait déjà empêché de se présenter en 2024, et elle pourrait barrer sa route pour 2029. « En filigrane, Sonko attend du président qu’il le protège », explique un proche du Pastef. La réforme du système judiciaire, pourtant une promesse phare du tandem, reste au point mort.
État Pastef ou État-parti ?
Le Premier ministre assume désormais une ligne dure. « Je crois à la logique de l’État-parti », a-t-il déclaré, en référence aux administrations américaines « Trump » ou « Biden ». Mais cette vision s’oppose frontalement à celle de Diomaye Faye, plus conciliant et ouvert à la nomination de cadres issus de l’ancien régime. L’affaire Samba Ndiaye, dont la nomination à la tête de la SN-HLM est bloquée, illustre ces frictions internes.
De la fraternité à la rivalité ?
Sonko accuse désormais des membres de son propre camp de fomenter la division, y compris auprès du khalife général des mourides. « Nous n’accepterons aucun clan à Pastef », a-t-il prévenu, adoptant un ton martial. Le chef du gouvernement ne cache plus son amertume : « Si j’étais là où je devrais être, certaines choses ne se seraient jamais passées. »
Un dilemme pour Diomaye Faye
Le président sénégalais est désormais face à un dilemme : révoquer son Premier ministre au risque de fracturer le camp des patriotes, ou laisser perdurer cette rivalité qui le fait passer pour un « président par procuration ». Une chose est sûre : le duel Sonko-Faye risque d’influencer profondément la trajectoire politique du Sénégal, alors que les élections locales de 2027 et la présidentielle de 2029 se profilent.
Paul Lamier Grandes Lignes
