Alors que les mises en garde se multiplient sur l’état des finances publiques françaises, l’hypothèse d’une intervention extérieure n’est plus taboue dans les cercles économiques. Le Fonds monétaire international (FMI), tout comme la Cour des comptes et la Commission européenne, pointent une trajectoire budgétaire préoccupante.
Le déficit public devrait atteindre 5,8 % du PIB en 2024, bien au-dessus des 3 % prévus par les critères européens. Et sans mesures nouvelles, le FMI estime que ce chiffre pourrait rester autour des 6 % jusqu’en 2030, avec une dette publique en hausse constante. Si le gouvernement mise sur un retour à l’équilibre progressif d’ici 2029, cet objectif suscite peu de confiance, y compris parmi les partenaires européens.
L’ombre du FMI plane, mais la BCE reste en première ligne
Pour certains analystes, une intervention du FMI ne peut être exclue à moyen ou long terme. Selon Christopher Dembik, conseiller en stratégie chez Pictet AM, cette perspective reste conditionnée à une incapacité prolongée à maîtriser la dépense publique. L’ex-économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard, juge cette situation « envisageable », tout en espérant qu’un accord politique en France permette d’éviter cette extrémité.
Mais avant un recours au FMI, la Banque centrale européenne (BCE) disposerait de leviers plus adaptés. En cas de turbulences sur les marchés de la dette, la BCE pourrait activer son programme OMT, autorisant des rachats massifs d’obligations pour contenir les taux d’intérêt. Ce mécanisme n’a jamais été utilisé à ce jour, mais reste un outil de dernier recours pour protéger la stabilité financière de la zone euro.
Une telle intervention impliquerait toutefois des contreparties budgétaires strictes. Le pays concerné devrait négocier un « plan d’ajustement » avec la Commission européenne, potentiellement accompagné d’une assistance technique du FMI. Lors de la crise grecque, la participation du Fonds avait été source de tensions au sein de l’Eurogroupe.
Des marges de manœuvre limitées pour la France
Le scénario d’une intervention extérieure demeure encore lointain, mais les signaux d’alerte s’accumulent. La France, considérée comme un acteur systémique en Europe, reste protégée par la BCE tant que les marchés lui accordent leur confiance. Mais une hausse prolongée des taux d’intérêt pourrait mettre à mal cette stabilité.
En cas de recours à un plan d’austérité, les ajustements seraient conséquents. Il s’agirait notamment de ramener le niveau de dépense publique actuellement à 57 % du PIB vers la moyenne européenne, soit une réduction d’environ dix points. Cela impliquerait des réformes sensibles, à commencer par une refonte du système de retraites.
La question de fond reste celle de la volonté politique. Pour l’heure, les débats internes sur les économies à réaliser restent bloqués autour d’enveloppes jugées insuffisantes. L’absence de consensus depuis la dissolution de l’Assemblée nationale complique encore les choix à venir.
Si le soutien de la BCE constitue un filet de sécurité, il ne dispense pas d’engager des réformes. En son absence, la France pourrait se retrouver dans une situation comparable à celle de pays naguère contraints à la rigueur sous supervision internationale.