Alors que la guerre en Ukraine continue de remodeler les équilibres diplomatiques mondiaux, Vladimir Poutine s’apprête à rassembler une vingtaine de chefs d’État à Moscou à l’occasion du 80e anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie. Un moment de mémoire transformé en démonstration d’influence internationale, dans un contexte tendu où chaque présence prend un sens politique.
Le traditionnel défilé militaire du 9 mai sur la place Rouge, hautement symbolique dans l’imaginaire russe, sera cette année plus que jamais un espace de projection stratégique. Pour le Kremlin, cette commémoration n’est pas seulement l’occasion de saluer la victoire de 1945 : elle sert aussi de socle à la justification idéologique de son offensive en Ukraine, présentée comme une continuité de la lutte contre le nazisme.
Une scène militaire, mais surtout politique
Malgré les appels à la retenue venus de l’Union européenne, une vingtaine de dirigeants étrangers ont accepté l’invitation du président russe. Parmi eux, des alliés historiques, des partenaires géopolitiques affirmés, mais aussi des figures de rupture avec l’ordre occidental.
Xi Jinping, président chinois, figure en tête d’affiche de cette scène diplomatique. Sa venue confirme l’alignement stratégique croissant entre Moscou et Pékin. La présidence russe a annoncé qu’il participera à des discussions bilatérales avec Vladimir Poutine, centrées sur le partenariat global et les tensions régionales. La Chine, tout en affichant une posture neutre sur le conflit ukrainien, reste un soutien économique et politique central pour la Russie.
Denis Sassou N’Guesso et Ibrahim Traoré : présence africaine marquée
L’Afrique est également représentée au plus haut niveau. Le président de la République du Congo, Denis Sassou N’Guesso, a quitté Brazzaville le 6 mai pour participer aux cérémonies. Figure de stabilité sur le continent et partenaire ancien de Moscou, sa présence est perçue comme un gage de continuité dans les relations bilatérales.
Autre invité notable : Ibrahim Traoré, président de transition du Burkina Faso. Symbole d’une jeunesse africaine en rupture avec les anciennes influences occidentales, sa participation confirme l’ancrage croissant de Moscou dans une partie du Sahel, où la Russie entend jouer un rôle sécuritaire et idéologique alternatif.
Alliés traditionnels et ruptures européennes
Aux côtés de ces dirigeants africains, on retrouvera également Luiz Inácio Lula da Silva (Brésil), Nicolás Maduro (Venezuela), Miguel Díaz-Canel (Cuba), Aleksandr Loukachenko (Biélorussie), Mahmoud Abbas (Autorité palestinienne) ou encore Milorad Dodik (République serbe de Bosnie). L’Inde sera représentée par son ministre de la Défense, Rajnath Singh.
En Europe, la participation de certains dirigeants alimente les tensions. Le Premier ministre slovaque Robert Fico, en dépit des avertissements de Bruxelles, a confirmé sa présence, invoquant la souveraineté de son pays. De même, Aleksandar Vučić, président de la Serbie, a maintenu sa venue, marquant une nouvelle fois ses affinités avec Moscou.
Une vitrine diplomatique pour la Russie
Le Kremlin mise sur cet événement pour démontrer que la Russie n’est pas isolée. En réunissant des chefs d’État de plusieurs continents, Vladimir Poutine veut montrer que son pays reste un pôle incontournable dans un monde désormais multipolaire. Le 9 mai devient, bien au-delà du souvenir militaire, une scène de représentation de l’ordre que Moscou souhaite voir émerger : décentré, pluriel, affranchi des codes occidentaux.
Paul Lamier Grandes Lignes