Le Kremlin obtient enfin les discussions directes qu’il réclamait, tandis que Washington entrouvre la porte à des concessions territoriales, au moment même où de nouvelles sanctions devaient frapper la Russie.
À quelques jours de l’entrée en vigueur de sanctions américaines renforcées contre Moscou, Vladimir Poutine a réussi un coup diplomatique : ramener Donald Trump à la table des négociations. Le sommet prévu le 15 août à Anchorage marque un spectaculaire retournement de situation. Fin juillet encore, le président américain menaçait la Russie de droits de douane massifs sur son pétrole et laissait planer l’idée d’un durcissement inédit. Désormais, il parle de « restitutions » et même « d’échanges de territoires », reprenant un vocabulaire transactionnel qui ouvre à Poutine un champ de négociation inattendu.
La Russie, qui exige depuis le début de l’invasion de 2022 la reconnaissance de son contrôle sur Donetsk, Louhansk, Zaporijjia, Kherson et la Crimée, avait toujours refusé de transiger sur les territoires occupés. Mais selon plusieurs sources diplomatiques, Moscou a laissé entendre qu’elle pourrait envisager un compromis sous la forme d’un bail de 49 à 99 ans sur certaines zones, permettant à l’Ukraine de récupérer partiellement ses terres. En contrepartie, Vladimir Poutine propose un cessez-le-feu limité, aérien et maritime, qui pourrait ouvrir la voie à un gel du conflit.
Pour le Kremlin, l’essentiel est déjà acquis. Poutine a obtenu ce qu’il cherchait depuis des mois : une rencontre directe avec Trump, sans l’Ukraine ni l’Europe autour de la table. Cette mise à l’écart de Volodymyr Zelensky et des alliés européens affaiblit leur poids diplomatique et offre au président russe un cadre idéal pour imposer ses conditions. Les exigences de Moscou restent inchangées : pas d’adhésion de l’Ukraine à l’Otan, pas de troupes étrangères sur son territoire, et une armée ukrainienne limitée pour la maintenir dans une position de vulnérabilité permanente.
À Kiev, la réaction a été immédiate. Zelensky a rejeté sur X toute discussion tenue sans l’Ukraine : « Toute décision prise sans nous est une décision contre la paix. Ce sont des décisions mort-nées, irréalisables. » Le président ukrainien rappelle qu’en vertu de la Constitution, aucune cession territoriale n’est envisageable. Pourtant, le simple fait que Washington accepte l’idée d’un « troc » territorial représente déjà une brèche dans la position occidentale.
Donald Trump avait initialement assuré à ses partenaires européens que ce sommet bilatéral serait suivi d’une rencontre à trois avec Zelensky. Le Kremlin a vite démenti. Une nouvelle fois, Poutine dicte l’agenda.
Paul Lamier Grandes Lignes












