Connu pour avoir dirigé Blackwater et pour ses opérations en zones de conflit, l’Américain Erik Prince revient sur le devant de la scène, cette fois en République démocratique du Congo. À la tête de sa société Frontier Services Group (FSG), il vient de conclure un accord stratégique avec Kinshasa, officialisé fin 2024. Objectif : sécuriser les sites miniers, lutter contre la contrebande et optimiser la collecte des taxes dans un secteur crucial pour l’économie congolaise. Une collaboration à forts enjeux, mêlant intérêts économiques, sécuritaires et diplomatiques.
Un partenaire aux multiples visages
Erik Prince n’est pas un inconnu des zones de conflit. De l’Irak à la Libye en passant par l’Afghanistan ou Haïti, le milliardaire américain a longtemps évolué dans les coulisses des opérations militaires occidentales. Fondateur de Blackwater, tristement célèbre pour son implication dans des bavures en Irak, il s’est reconverti dans le conseil en sécurité via FSG, société qu’il a installée à Hong Kong avec des capitaux chinois.

Proche de Donald Trump et frère de Betsy DeVos, ancienne ministre de l’Éducation, Erik Prince est aussi un acteur influent dans la vision stratégique républicaine de l’Amérique, orientée vers la privatisation de certaines fonctions militaires à l’étranger. En Afghanistan, il avait déjà proposé de remplacer les troupes américaines par des mercenaires pour une fraction du coût de l’engagement classique.
L’accord avec Kinshasa
Selon l’agence Reuters et Africa Intelligence, l’accord signé avec Kinshasa prévoit le déploiement de conseillers de FSG pour sécuriser les sites miniers, les hydrocarbures et certaines forêts congolaises. Objectif : renforcer la souveraineté fiscale de la RDC dans un contexte d’exploitation illégale massive et de contrebande minière à grande échelle. Le Katanga, région minière stratégique et moins instable que l’est du pays, serait le principal théâtre de cette opération.
L’accord a été négocié avant même la signature, sous l’égide américaine, d’un cessez-le-feu entre la RDC et le Rwanda, le 25 juin dernier. Officiellement, il ne s’agit pas d’un « deal minerais contre sécurité », mais bien d’un partenariat technique, économique et logistique.
Recrutements sensibles et enjeu géopolitique
D’après Africa Intelligence, des anciens membres de la Légion étrangère française ont été recrutés pour opérer sur le terrain. Leur mission : assurer la sécurité physique des sites miniers, tout en accompagnant les autorités congolaises dans l’établissement de chaînes logistiques fiables et traçables pour les exportations de cuivre, cobalt, coltan et autres minerais critiques.
Mais les implications de ce partenariat dépassent la seule sécurisation industrielle. En toile de fond, c’est l’affrontement sino-américain pour le contrôle des ressources stratégiques africaines qui se joue. La présence massive d’entreprises chinoises dans le secteur minier congolais depuis deux décennies a fait de la RDC un terrain de rivalités. Avec Erik Prince, Washington cherche visiblement à réaffirmer son influence économique et sécuritaire dans la région.
Si les autorités congolaises saluent un renforcement de leurs capacités face à la contrebande, des critiques émergent déjà. Quelles seront les modalités de contrôle sur ces nouvelles forces privées ? Comment assurer la transparence dans un secteur miné par la corruption depuis des décennies ? Et quelle coordination avec les forces armées nationales, souvent décriées pour leur faible efficacité dans l’est du pays ?
Erik Prince joue ici une carte audacieuse. En plaçant ses hommes au cœur de la sécurisation des revenus miniers congolais, il devient un acteur clé de la souveraineté économique d’un État fragile.
Adonis Kanga Grandes Lignes