Un changement de cap discret dans le soutien américain à l’Ukraine. Les États-Unis, principal appui militaire de Kiev depuis le début du conflit, ont suspendu certaines livraisons d’armes. En cause : des préoccupations croissantes concernant la baisse des stocks de munitions de l’armée américaine, alors même que la Russie intensifie ses offensives sur le front.

La nouvelle, d’abord relayée par Politico et confirmée mardi soir par la Maison-Blanche, marque une inflexion notable dans la politique de soutien militaire des États-Unis à l’Ukraine. Selon plusieurs sources, les munitions concernées sont des équipements de haute précision : missiles Patriot pour la défense aérienne, obus d’artillerie guidés, missiles Hellfire, ainsi que des projectiles compatibles avec les chasseurs F-16 et les drones utilisés par Kiev.

Le signal de cette suspension a été donné dès le début du mois de juin par Elbridge Colby, en charge de la stratégie au Pentagone. Un audit de l’état des stocks de l’armée américaine a révélé une baisse jugée préoccupante, notamment en ce qui concerne les capacités de défense antiaérienne et les munitions de précision. Résultat : Washington a décidé de temporiser ses livraisons pour préserver sa propre sécurité nationale.

« Cette décision a été prise pour mettre les intérêts de l’Amérique en premier », a confirmé Anna Kelly, porte-parole adjointe de la Maison-Blanche, dans une déclaration transmise à plusieurs médias. Sans entrer dans les détails, elle a souligné la volonté de l’administration Trump de réévaluer l’effort militaire à l’aune de la souveraineté logistique des États-Unis.

Kiev sous pression, Moscou accélère

Cette décision tombe à un moment critique pour l’Ukraine, qui fait face à une recrudescence des attaques russes. Rien qu’au mois de juin, selon les chiffres fournis par l’armée ukrainienne, la Russie aurait lancé 5 438 drones longue portée sur le territoire ukrainien un record depuis le début de l’invasion en février 2022. Ce chiffre n’inclut pas les frappes de drones tactiques ni les attaques au sol.

Ce mercredi, de nouvelles frappes ont visé la région de Kharkiv. Une attaque par drone contre une ferme du village de Borivske a causé la mort d’un civil et fait un blessé. D’autres raids ont été signalés, provoquant des dégâts matériels significatifs mais sans autre victime recensée.

La contre-attaque ukrainienne : viser l’infrastructure énergétique russe

En réponse, Kiev continue d’adopter une stratégie asymétrique : frapper les infrastructures énergétiques russes. Mercredi, l’état-major ukrainien a revendiqué une attaque contre une raffinerie de pétrole dans la région de Saratov, en territoire russe. Ce site, selon l’armée ukrainienne, est utilisé pour alimenter en carburant les troupes engagées dans le conflit.

Cette offensive ciblée s’inscrit dans une série de frappes récentes contre des cibles stratégiques en Russie, destinées à perturber la logistique de guerre de Moscou.

La doctrine Trump : rupture ou continuité ?

Alors que l’aide américaine à l’Ukraine avait dépassé les 60 milliards de dollars sous Joe Biden, l’administration Trump maintenait jusqu’ici un soutien partiel, sans le volontarisme affiché de son prédécesseur. La suspension des livraisons annoncée ce mardi semble toutefois marquer un tournant.

En coulisses, l’administration Trump cherche à se repositionner sur un axe diplomatique plus transactionnel, réduisant l’engagement unilatéral et conditionnant toute aide à une réciprocité ou à un intérêt stratégique clairement identifié. Cette posture, tout en ménageant sa base électorale isolationniste, risque de compliquer la situation militaire de l’Ukraine, notamment en matière de défense antiaérienne.

La pause dans les livraisons américaines survient alors même que les négociations entre Kiev et Moscou restent dans l’impasse. Deux sessions récentes à Istanbul n’ont rien donné, et l’Ukraine, déjà à bout de souffle sur le plan humain et matériel, voit désormais l’un de ses piliers logistiques remis en cause.

Si l’Europe poursuit, de son côté, ses livraisons d’armement, la capacité de l’Ukraine à résister dépend en grande partie des flux américains. Dans les semaines à venir, les conséquences concrètes de cette suspension pourraient peser lourdement sur le terrain militaire et diplomatique.