Après vingt mois de résidence surveillée et une série de négociations intenses, l’ancienne famille présidentielle gabonaise a finalement quitté Libreville pour Luanda. Les images diffusées par la présidence angolaise montrent Ali Bongo Ondimba, son épouse Sylvia Bongo et leur fils Noureddin Bongo-Valentin, descendant d’un avion aux couleurs de l’Angola, un sourire discret sur les lèvres. L’Angola, par l’intermédiaire de son président João Lourenço, a joué un rôle déterminant dans cette exfiltration.
Une opération de sortie discrètement négociée
Depuis leur assignation à résidence en août 2023, Ali Bongo et sa famille vivaient dans l’incertitude. Ali Bongo, renversé par un coup d’État mené par le général Brice Clotaire Oligui Nguema, a été contraint de céder le pouvoir. S’il était officiellement autorisé à quitter le pays, il avait refusé de le faire sans sa famille, dont la situation judiciaire demeurait précaire. Sylvia Bongo et Noureddin Bongo-Valentin, initialement emprisonnés, avaient été transférés en résidence surveillée pour des raisons médicales.
Les négociations pour leur libération ont connu plusieurs rebondissements. Des discussions complexes se sont déroulées en coulisses, avec l’implication directe de l’Angola et de l’Union africaine. João Lourenço, président angolais et chef de l’UA, s’est rendu à Libreville pour rencontrer Ali Bongo, une visite qui a semble-t-il accéléré la conclusion d’un accord.
Une famille sous le feu des accusations
Les charges pesant sur les membres de la famille Bongo ne sont pas anodines. Noureddin Bongo-Valentin est accusé de « haute trahison contre les institutions de l’État », de « détournement massif de fonds publics » et de « trafic de stupéfiants ». Sylvia Bongo, quant à elle, est poursuivie pour « blanchiment de capitaux » et « faux et usage de faux ». Ces accusations sont le reflet d’une ère marquée par des scandales financiers qui ont terni l’image de l’ancien régime.
Malgré ces lourdes charges, l’exil angolais semble offrir une forme de protection. « Ils sont libres de voyager où bon leur semble », a déclaré un de leurs avocats, laissant entrevoir la possibilité d’un départ pour Londres, où réside une partie de la famille Bongo.
L’Angola, une terre d’accueil ou une étape ?
La question demeure : Luanda est-elle une destination finale pour les Bongo ? Officiellement, ils peuvent circuler librement. Mais ce choix de l’Angola n’est pas anodin. João Lourenço a su tirer parti de son rôle à la tête de l’Union africaine pour offrir une porte de sortie diplomatique à la famille déchue. En acceptant de les accueillir, l’Angola joue la carte de l’apaisement et s’affirme comme un médiateur régional influent.
Derrière cette exfiltration se profilent des enjeux géopolitiques. Le général Oligui Nguema, qui a consolidé son pouvoir en remportant l’élection présidentielle avec 94,85 % des voix, a pu clore un chapitre délicat de son mandat. Libérer la famille Bongo, tout en s’assurant qu’elle quitte le territoire, permet de calmer les tensions internes tout en envoyant un message de fermeté.
Une issue en demi-teinte pour la famille Bongo
Si la famille Bongo a pu échapper à une détention prolongée, son avenir reste incertain. Libre, mais exposée aux regards, elle incarne désormais l’image déchue d’un clan autrefois tout-puissant.
Le départ d’Ali Bongo et des siens est aussi une victoire symbolique pour le nouveau régime gabonais, qui parvient à tourner la page de l’ère Bongo sans les livrer à une justice qui aurait pu créer des remous politiques.
Mais la question des biens de la famille Bongo, dont une partie a fait l’objet de tractations en coulisses, reste une épine dans le pied du nouveau pouvoir. Pour Brice Clotaire Oligui Nguema, l’enjeu est de restaurer l’image du Gabon tout en récupérant d’éventuelles fortunes cachées par la famille déchue.
Vers une nouvelle vie en exil ?
Désormais libres de leurs mouvements, les Bongo pourraient choisir de rejoindre Londres, où réside déjà une partie de leur famille. Ce choix permettrait de se rapprocher d’un environnement plus discret tout en restant connecté aux cercles de la diaspora africaine.
L’histoire des Bongo, qui ont régné sur le Gabon pendant plus de cinq décennies, entre désormais dans une nouvelle phase. Celle de l’exil et de l’incertitude. Une conclusion amère pour un clan qui symbolisait autrefois le pouvoir absolu.
Paul Lamier Gandes Lignes