Confronté aux retombées de la guerre commerciale menée par Donald Trump, le Nigeria accélère sa quête d’autonomie économique. Le pays a signé jeudi dernier un accord minier stratégique avec l’Afrique du Sud. Objectif : réduire sa dépendance au pétrole, qui représente encore près de 90 % de ses exportations.
Selon les termes de cet accord, Abuja et Pretoria partageront leur expertise pour développer l’extraction de ressources comme l’or, le lithium ou le minerai de fer un potentiel encore largement sous-exploité. Aujourd’hui, le secteur minier nigérian ne contribue qu’à moins de 1 % du PIB national.
Cette coopération intervient alors que les tarifs douaniers imposés par Washington (14 %, suspendus pour le pétrole brut nigérian mais non pour les produits agricoles comme le cacao) fragilisent davantage les marchés mondiaux, entraînant notamment une chute des prix du pétrole. Une situation inquiétante pour le Nigeria, qui voit ses recettes pétrolières menacées.
Entre prudence et anticipation
Jusqu’ici, le président Bola Tinubu adopte une approche prudente avec les États-Unis. Il s’est récemment entretenu à Paris avec Massad Boulos, nouvel émissaire de Trump pour l’Afrique. Mais l’absence d’accord concret alimente les critiques de certains responsables politiques nigérians, qui plaident pour une ligne plus offensive.
« Ce qui déstabilise le marché, ce sont les revirements imprévisibles de Trump », a pointé Farouk Ahmed, directeur de l’autorité de régulation du secteur pétrolier. En réponse à la dépréciation du naira, la banque centrale a injecté 200 millions de dollars sur les marchés locaux.
Repenser la stratégie nationale
Le ministre des Finances, Wale Edun, a indiqué que le gouvernement devait revoir son budget initialement fondé sur un baril à 75 dollars. Les effets indirects de la politique américaine se font sentir : l’Indonésie, gros importateur de pétrole nigérian, envisage désormais d’acheter du brut américain pour éviter des droits de douane de 32 %.

Face à cette incertitude, le Nigeria se tourne vers d’autres horizons : Royaume-Uni, BRICS, mais surtout ses voisins africains. « Nous devons apprendre à commercer entre nous », a plaidé Edun. Tinubu a d’ailleurs promis de supprimer les droits de douane sur 90 % des produits échangés dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
Nouvelle dynamique continentale
Le Nigeria a aussi rouvert le dialogue avec le Niger de la junte, suspendu depuis le coup d’État de 2023. La reprise des discussions porte notamment sur le projet de gazoduc transsaharien, reliant le Nigeria à l’Algérie via le Niger.
Malgré tout, certains experts tempèrent l’enthousiasme. « Il y a un écart entre l’intention politique et la capacité d’exécution », note Cheta Nwanze, analyste de SBM Intelligence. Selon lui, tant que l’économie nigériane reste centrée sur le pétrole exempté de sanctions tarifaires, les liens commerciaux avec les États-Unis resteront minimaux.