Dans un contexte économique marqué par l’inflation, la pauvreté persistante et la pression sociale, le Fonds monétaire international (FMI) a livré, le 7 juillet, une feuille de route en trois points pour aider le Nigéria à renouer avec une trajectoire de croissance durable et inclusive. Mais entre les réformes engagées et les résistances structurelles, la mise en œuvre reste semée d’embûches.
Une croissance à relier d’urgence aux réalités sociales
Le Nigéria reste, malgré ses ressources, l’un des pays où la pauvreté recule le moins. Plus de 42 % de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté, et le revenu réel par habitant a baissé en moyenne de 0,7 % par an sur la dernière décennie. Le FMI appelle donc à une croissance « inclusive », c’est-à-dire soutenue par des mécanismes de redistribution, notamment via des transferts monétaires ciblés.
Mais dans un contexte d’inflation à deux chiffres et d’explosion du coût de la vie, la simple expansion de ces transferts pourrait aggraver la pression sur les prix. Le risque : stimuler la demande sans corriger les goulets d’étranglement de l’offre, notamment dans le secteur agricole. Une logique qui ne peut fonctionner, avertit le FMI, que si elle s’accompagne d’investissements dans la production locale.
Discipline budgétaire, mais pas au prix du développement
Deuxième axe stratégique : un cadre budgétaire crédible et transparent. Le FMI recommande une gestion rigoureuse des finances publiques, dans un pays où les recettes fiscales représentent moins de 10 % du PIB l’un des taux les plus bas au monde. La tentation d’une austérité brutale est grande, mais risquée dans un environnement de sous-investissement chronique.
Routes, énergie, éducation, santé… Les besoins structurels sont massifs, et les marges de manœuvre étroites. Le défi pour les autorités : investir là où cela génère de la croissance sans déstabiliser les équilibres macroéconomiques. Ce qui suppose un arbitrage permanent entre discipline financière et impératif de transformation.
Repenser la fiscalité sans casser la dynamique économique
Le troisième chantier identifié par le FMI concerne l’augmentation des recettes intérieures. Le Nigéria ne pourra pas financer son développement sans une réforme profonde de son système fiscal. Mais encore faut-il que celle-ci soit adaptée à la structure réelle de l’économie, dominée à plus de 60 % par l’informel.
Simplification, élargissement de l’assiette, meilleure conformité… Les réformes doivent être progressives et tenir compte d’un contexte social fragile. Pour l’heure, le FMI plaide pour un renforcement de la collecte sans alourdir la pression sur la classe moyenne ou sur les petites entreprises. L’alignement des taux d’imposition sur les standards régionaux n’est envisageable qu’à moyen terme.
Des réformes saluées, mais à double tranchant
Le FMI reconnaît les efforts engagés depuis 2023 par l’administration nigériane : fin du financement des déficits par la banque centrale, libéralisation du naira, démantèlement des subventions aux carburants. Ces réformes ont permis une remontée des réserves et un regain de confiance sur les marchés. Mais elles ont aussi entraîné une dévaluation du naira et une hausse du prix des importations dans un pays structurellement dépendant de l’extérieur.
La récente mise en service de la méga-raffinerie Dangote incarne un début de repositionnement dans la chaîne de valeur pétrolière, mais reste encore isolée dans une économie où la diversification tarde.
Une stratégie de transformation sous haute pression
Les contraintes sont nombreuses : dépendance aux recettes pétrolières, concurrence régionale, lenteur de la modernisation industrielle, vulnérabilités sociales et résistance politique. La mise en œuvre des recommandations du FMI nécessite donc un séquençage clair, une volonté politique forte, et une capacité à maintenir la cohésion sociale dans une phase de transition.
Le Nigéria possède des atouts : un vaste marché intérieur, une richesse en ressources naturelles, et un potentiel agricole et industriel énorme. Mais seule une combinaison entre rigueur budgétaire, investissements publics ciblés et gouvernance transparente pourra l’ancrer durablement dans la cour des puissances économiques émergentes.