Le déplacement du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à Alger marque une tentative de réinitialisation des relations franco algériennes, au terme de huit mois de tensions intenses. Si des signes d’apaisement émergent, les contentieux structurants demeurent intacts.
Par-delà les images protocolaires et les déclarations de principe, la normalisation esquissée reste précaire. La situation de Boualem Sansal, écrivain franco-algérien condamné à cinq ans de prison pour « atteinte à l’intégrité du territoire » en est le révélateur. À ce jour, ni sa libération ni le retour de l’ambassadeur d’Algérie à Paris n’ont été obtenus.
Pour l’historien Benjamin Stora, spécialiste de l’Algérie contemporaine, cette amorce de réchauffement illustre « une victoire de la raison sur les affects », mais ne saurait masquer la complexité d’une relation où le passé continue de peser lourdement sur le présent.
Dans les couloirs diplomatiques, certains s’autorisent un optimisme prudent. « Nous assistons à un début de retour à la normale », juge Bruno Fuchs, président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale. Mais pour lui, la normalisation ne peut être proclamée, elle doit se démontrer notamment par des actes symboliques forts, comme un geste d’apaisement dans le dossier Sansal.
Le contexte immédiat éclaire les enjeux : fin juillet 2024, le soutien explicite d’Emmanuel Macron au plan marocain d’autonomie pour le Sahara avait provoqué une rupture immédiate l’Algérie retirant son ambassadeur dans les heures suivantes. Ce choc avait ouvert une séquence d’hostilités rampantes, alimentée par les tensions migratoires, les ingérences verbales de certains responsables français et la mise sous silence d’un écrivain emblématique.
La visite de Barrot intervient après un échange direct entre les présidents Macron et Tebboune, qui ont convenu d’un retour au dialogue. L’entretien de deux heures trente accordé par le chef de l’État algérien au ministre français, ainsi que l’autorisation de s’exprimer depuis le palais présidentiel, sont perçus par les observateurs comme des signaux clairs de désescalade.
Mais l’équilibre reste instable. Le climat politique algérien demeure hypersensible à toute interférence perçue comme une atteinte à la souveraineté. Le quotidien El Moudjahid, proche du pouvoir, a rappelé que l’Algérie « n’a jamais fermé la porte au dialogue », tout en dénonçant « les outrances » des voix officielles et officieuses françaises, notamment à l’extrême droite.
Dans ce contexte, le silence vaut parfois stratégie. « Sur Sansal, il faut agir dans la discrétion, avec la conscience aiguë des équilibres internes algériens », insiste Bruno Fuchs. Une ligne réaliste que partage également Le Quotidien d’Oran, pour qui « les postures vindicatives ne servent ni les peuples, ni la mémoire commune ».
Au-delà de la symbolique immédiate, une reconfiguration plus large s’esquisse : Paris cherche à stabiliser ses relations avec Alger dans un contexte régional tendu, notamment au Sahel et en Méditerranée. Le Parlement français envisage l’envoi d’une délégation officielle pour retisser des liens parlementaires distendus, mais indispensables à un dialogue structuré.
« Ce n’est pas par la force que nous avancerons, mais par la constance et le respect », résume Fuchs. L’impasse des derniers mois a montré les limites du rapport de force.