L’opération israélienne contre les structures iraniennes marque une nouvelle démonstration de force. Agents infiltrés, frappes coordonnées, élimination ciblée des chefs du programme nucléaire : tout semble indiquer une maîtrise totale des outils militaires et du renseignement. De Beyrouth à Téhéran, les interventions israéliennes multiplient les signaux de puissance
À ce niveau, le constat est net : Israël exerce une domination stratégique régionale difficile à contester. Pourtant, cette supériorité ne semble pas articulée à un projet d’ensemble. D’où la question : au service de quoi s’exerce cette hégémonie ?
Un rapport à la guerre plus qu’à la paix
Sur plusieurs fronts, des dynamiques politiques locales auraient pu être exploitées. À Gaza, la population exprime ouvertement son rejet du Hamas. Au Liban comme en Syrie, les nouvelles autorités affichent une volonté de reconstruction. Israël, pourtant, continue d’y mener des frappes, et maintient même une présence sur le territoire syrien. Ces interventions répétées, sans relais diplomatique ou initiative politique d’ampleur, donnent l’image d’un État enfermé dans la logique militaire.
L’opportunité d’ouvrir un nouveau cycle régional existe. Mais elle reste sans réponse.
L’Iran ciblé au mauvais moment ?
La récente opération contre l’Iran s’inscrit dans ce paradoxe. Elle survient alors même que des discussions nucléaires avec les États-Unis devaient reprendre. Difficile d’en percevoir la logique, d’autant que les services américains eux-mêmes ont affirmé que Téhéran ne travaillait pas activement à fabriquer une bombe nucléaire. À Jérusalem, certains semblent voir dans cette attaque un moyen de bloquer les efforts diplomatiques de l’administration américaine, jugée imprévisible, voire faible.
Trump entre irritation et récupération
Informé, mais sans être consulté pour une approbation formelle, Donald Trump a d’abord affiché son embarras. Le premier message du Département d’État s’est borné à dire que Washington n’était pas impliqué. Trump, peu favorable aux actions militaires directes, avait déjà montré des signes de distanciation vis-à-vis d’Israël en dialoguant avec des acteurs longtemps marginalisés comme les Houthis ou le Hamas.
Face au fait accompli, il a toutefois adapté sa communication, utilisant l’attaque comme un levier de pression. Sa position est restée tactique : contraindre l’Iran à céder dans les négociations.
Ambiguïtés régionales
Les monarchies du Golfe, quant à elles, protestent officiellement mais observent sans doute la situation avec un certain soulagement. Voir l’Iran affaibli sert leurs intérêts sécuritaires. Pourtant, l’instabilité créée par cette attaque massive suscite également leur inquiétude. La ligne rouge d’un embrasement régional n’est pas loin.
Quel calcul pour l’Iran ?
Téhéran, pour l’instant, tente de sauver la face. Une salve de missiles est lancée vers Israël. Mais sur le fond, la tentation de relancer coûte que coûte le programme nucléaire est réelle. Depuis 2015, l’Iran a tenté deux fois de négocier. À chaque tentative, la réponse occidentale a été le retrait des engagements ou des actions militaires unilatérales.
Il devient alors difficile, pour les responsables iraniens, de justifier la voie diplomatique face à une opinion publique qui voit en Israël et Washington des partenaires peu fiables.
Paul Lamier Grandes Lignes