La transition a laissé place à une nouvelle République façonnée par Brice Clotaire Oligui Nguema. À travers une réforme des partis politiques et un calendrier électoral dense, le chef de l’État tente de bâtir un système politique qui porte son empreinte. Mais peut-il vraiment réinventer la vie politique gabonaise ?
1. Qu’est-ce qui change avec la nouvelle loi sur les partis politiques ?
Adoptée en juin, cette loi impose de nouveaux critères stricts : chaque formation doit justifier de 10 000 adhérents répartis dans les neuf provinces. L’objectif affiché est de professionnaliser le paysage politique, mais dans les faits, cette mesure fragilise les petites structures et favorise les grands ensembles proches du pouvoir.
2. Quels sont les nouveaux partis en lice ?
Deux noms émergent : l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB), créée par Oligui Nguema lui-même, et Ensemble pour le Gabon (EPG), lancé par Alain-Claude Bilie-By-Nze, ancien Premier ministre d’Ali Bongo. À leurs côtés, une série de micro-formations fusionnent ou disparaissent, dessinant une nouvelle carte politique dominée par l’UDB.
3. Quelle place pour l’opposition ?
Fragilisée depuis le coup d’État d’août 2023, l’opposition peine à se recomposer. Alain-Claude Bilie-By-Nze reste le seul adversaire frontal du président, multipliant critiques et contentieux juridiques. Mais les figures historiques, comme Ali Bongo Ondimba ou ses anciens alliés, peinent à incarner une alternative crédible.
4. Comment Oligui Nguema consolide-t-il son pouvoir ?
L’ancien général a réuni autour de lui un mélange inédit : ex-proches d’Omar et Ali Bongo, opposants de longue date, militaires et technocrates. Ce brassage volontaire brouille les lignes traditionnelles majorité/opposition et lui assure une base politique large, mais fragile, où cohabitent ambitions rivales.
5. L’UDB est-il en train de devenir le nouveau PDG ?
Tout porte à croire que oui. Structuré comme un parti-entreprise, l’UDB attire ministres, militaires, ex-barons du régime Bongo et jeunes cadres. À l’image du Parti démocratique gabonais (PDG) d’autrefois, il se construit comme un bloc dominant, centré autour d’un seul homme. La différence : il évolue dans un paysage éclaté, où les alliances se font et se défont rapidement.
6. Qu’adviendra-t-il du PDG historique ?
Le PDG, affaibli par le coup d’État et les divisions internes, reste le parti comptant le plus d’adhérents. Mais il est aujourd’hui déchiré entre deux directions : l’une proche d’Oligui Nguema, l’autre fidèle à Ali Bongo. Le risque est celui d’un démantèlement progressif au profit de l’UDB.
7. Quelles alliances renforcent la majorité présidentielle ?
Plusieurs partis ont déjà annoncé leur ralliement, à l’image de l’Union nationale initiale (UNI) de Paul-Marie Gondjout ou du RPR de Jean-François Ntoutoume Emane. Même certaines figures de l’opposition ont choisi d’intégrer la coalition présidentielle, renforçant l’idée d’un système dominé par une majorité plurielle pilotée par Oligui Nguema.
8. Quels défis attendent le chef de l’État ?
Le vrai test sera la capacité à gérer les ego et les rivalités internes. Réunir anciens ennemis est une prouesse, mais faire travailler ensemble ces blocs antagonistes sera autrement plus difficile. Les élections législatives et sénatoriales seront un révélateur : l’UDB a-t-il les moyens d’un raz-de-marée ou devra-t-il composer avec une mosaïque instable ?
9. Peut-il réellement réinventer la vie politique gabonaise ?
Oligui Nguema s’appuie sur un appareil en construction, une loi qui restructure le champ politique et une image de « bâtisseur » d’une nouvelle République. Mais entre centralisation du pouvoir, rivalités persistantes et poids des héritages Bongo, le pari reste fragile. S’il échoue à transformer cette dynamique en institutions solides, la Ve République pourrait vite ressembler à un simple recyclage du passé.
Le Gabon entre dans une nouvelle ère, marquée par un président qui se veut fondateur d’un système inédit. Mais derrière l’UDB triomphant et la recomposition en cours, la question demeure : s’agit-il d’une réinvention, ou d’un retour aux vieilles pratiques sous un nouveau drapeau ?
Paul Lamier Grandes Lignes
