Le gouvernement gabonais vient de trancher : à compter du 1ᵉʳ janvier 2029, il sera interdit d’exporter du manganèse brut. Une décision à forte portée économique, politique et symbolique pour le deuxième producteur mondial de cette matière première stratégique, qui mise sur la transformation locale pour rompre avec des décennies de dépendance aux exportations de ressources non transformées.
Cette décision marque une volonté explicite de rompre avec le modèle extractif hérité de la période post-coloniale. Le Gabon, dont le manganèse constitue avec le pétrole et le bois l’un des principaux piliers économiques, choisit désormais de valoriser sa ressource sur place. L’État mise sur le développement d’une industrie nationale capable de transformer le minerai, avec l’objectif affiché d’augmenter les revenus fiscaux, de monter en compétences, de renforcer sa souveraineté technologique et d’élargir son tissu productif.
Le décret présenté prévoit une période de transition de trois ans, destinée à permettre aux acteurs du secteur d’ajuster leurs investissements. Le président Brice Oligui Nguema a souligné que cette fenêtre doit servir à engager sans délai les chantiers nécessaires pour permettre une transformation complète du minerai sur le sol gabonais. Le groupe minier français Eramet, qui exploite la mine de Moanda dans l’est du pays un site qui fournit actuellement 15 % de la production mondiale, figure parmi les entreprises directement concernées par cette bascule stratégique.
Mais au-delà des ambitions industrielles, la mise en œuvre effective de cette politique repose sur un préalable incontournable : la disponibilité énergétique. Le pays, qui ne dispose pas encore des infrastructures suffisantes, projette la construction d’un barrage hydroélectrique de 600 mégawatts et le déploiement de centrales à gaz. Ces investissements énergétiques sont considérés comme essentiels pour soutenir les besoins des futures unités de transformation.
Déjà considéré comme l’un des pays les plus riches du continent en termes de PIB par habitant, le Gabon entend franchir un nouveau palier. L’objectif est clair : se défaire de la rente brute pour bâtir une économie plus structurée, tournée vers la transformation, la valeur ajoutée et l’emploi qualifié. Derrière cette décision, se dessine un nouveau récit industriel, celui d’un État qui cherche à reprendre le contrôle de ses ressources et à ancrer durablement son développement dans la maîtrise de ses chaînes de valeur.
Paul Lamier Grandes Lignes