L’affrontement entre l’exécutif gabonais et la famille Bongo se déplace désormais sur le terrain judiciaire, en France comme au Gabon. Après la plainte déposée à Paris par Sylvia Bongo Ondimba et son fils Noureddin pour séquestration et tortures, les autorités de Libreville préparent une riposte d’envergure visant l’ancien président Ali Bongo Ondimba et ses proches.
La contre-offensive d’Oligui Nguema
Selon nos informations, Brice Clotaire Oligui Nguema a mandaté plusieurs cabinets d’avocats à Paris et Londres pour représenter l’État gabonais. Une plainte doit être déposée avant la fin juillet contre Ali Bongo, Sylvia et Noureddin Bongo, pour les mêmes accusations que celles portées contre la junte. Au Gabon, Anges Kevin Nzigou, ancien porte-parole de Jean Ping et figure clé de la campagne d’Oligui Nguema en 2025, pilote cette offensive judiciaire.
Le déclencheur ? Les récentes déclarations de Sylvia et Noureddin depuis Londres, où ils résident, accusant les autorités de les avoir « fouettés, électrocutés, noyés, battus et bien pire » durant leur détention. Une vidéo tournée clandestinement par Noureddin dénonçant le manque d’indépendance de la justice gabonaise a mis le feu aux poudres.
Une enquête aux ramifications internationales
Deux anciens opposants à Ali Bongo, Bertrand Zibi Abeghe et Landry Amiang Washington aujourd’hui proches du pouvoir se sont joints à la bataille judiciaire. De nationalité américaine, ils multiplient les démarches en Europe et aux États-Unis pour enquêter sur les comptes et les biens immobiliers supposément acquis par la famille Bongo grâce à des fonds détournés. Ils envisagent également de relancer des procédures devant la Cour pénale internationale et dans le dossier des « biens mal acquis », clos le 28 mars dernier avec la mise en examen de 11 membres de la famille.
« Nous allons récupérer ce qui nous revient de droit », affirme Bertrand Zibi Abeghe, qui accuse Ali Bongo d’avoir détourné 4 000 milliards de F CFA (plus de 6 milliards d’euros) entre 2016 et 2023. En juillet, plusieurs comptes bancaires de la famille ont déjà été gelés à la BGFIBank, et les autorités ciblent également des actifs situés aux îles Caïmans, en Asie et dans le Golfe.
Le procès de Sylvia et Noureddin, prévu du 10 au 14 novembre à Libreville, pourrait désormais concerner directement l’ancien président. L’État gabonais s’intéresse aussi à la succession d’Omar Bongo et au holding Delta Synergie, administré par Pascaline Bongo, accusé de contrôler des pans entiers de l’économie nationale. Un audit sur ce conglomérat pétrolier et financier a été lancé en mars 2025.
Une guerre judiciaire à double sens
Les Bongo, de leur côté, dénoncent des « accusations montées de toutes pièces » et des « traitements inhumains » depuis leur arrestation. « Leur stratégie consiste à inventer des témoignages car ils n’ont aucune preuve », soutient un proche de Sylvia Bongo. Le 8 juillet, plusieurs membres de son entourage ont été interpellés à Libreville, tandis que leur avocate, Gisèle Eyue Bekale, affirme avoir été encerclée par les services spéciaux alors qu’elle préparait un pourvoi en cassation pour repousser le procès.
Paul Lamier Grandes Lignes












