Il y a encore quelques mois, le mot était tabou. Réservé à certains cercles militants, le terme « génocide » s’est pourtant imposé au cœur du débat public pour désigner les violences à Gaza, dans le cadre de la guerre déclenchée par Israël après l’attaque du 7 octobre. Pétitions, appels au boycott, motions parlementaires : la notion est désormais invoquée bien au-delà des sphères militantes.
L’accusation a pris une nouvelle ampleur début mai, lorsque les autorités israéliennes ont décidé d’étendre leur contrôle militaire sur l’ensemble de la bande de Gaza, tout en maintenant temporairement un blocus humanitaire qui a fait craindre une famine généralisée. La question posée aujourd’hui dépasse le cadre moral : le droit international permet-il réellement de qualifier ces actes de génocide ?
Selon certains experts en droit international, la réponse reste négative. La qualification juridique de « génocide » repose sur une définition précise, issue de la Convention des Nations unies de 1948 : il s’agit d’un acte commis avec l’intention de « détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ». Et surtout, il doit être déconnecté d’un contexte de guerre. La logique juridique impose donc de distinguer la guerre même brutale d’un projet de destruction systématique et planifié d’un peuple.
Ainsi, pour ces juristes, parler de génocide dans un contexte de conflit armé introduit une confusion. Ils rappellent que l’existence de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité qui sont eux aussi jugés par les juridictions internationales n’implique pas automatiquement une intention génocidaire.
Cette position n’éteint pas pour autant le débat. Car les éléments factuels l’ampleur des pertes civiles, la destruction des infrastructures, les blocages humanitaires, et l’absence d’issue politique poussent une partie de l’opinion publique à considérer qu’il y a là plus qu’une guerre, et que les actes commis pourraient viser une population dans son existence même.
Le débat reste donc ouvert, à la croisée du droit, de l’éthique et de la géopolitique. D’autant que plusieurs procédures internationales sont en cours, notamment devant la Cour internationale de justice, saisie sur la base de cette même Convention de 1948.
En attendant un jugement définitif, une chose est sûre : le mot « génocide », autrefois indicible, est désormais au centre d’une bataille politique et symbolique mondiale.
Paul Lamier Grandes Lignes