À la tête de JPMorgan Chase depuis 2005, Jamie Dimon incarne l’une des figures les plus influentes de Wall Street. Vendredi, lors du Forum économique national Reagan en Californie, le dirigeant a lancé un signal d’alarme : selon lui, le marché obligataire américain est au bord de la rupture, en raison de la trajectoire jugée insoutenable de la dette publique.
Un avertissement direct aux régulateurs et à l’administration Trump
« Vous allez assister à une fissure sur le marché obligataire », a déclaré Dimon. « Je vous le dis. Et vous allez paniquer. Je ne vais pas paniquer. Tout ira bien. » L’inquiétude exprimée par le patron de la première banque américaine vise directement la politique budgétaire du gouvernement Trump. Le projet de loi actuellement examiné par le Congrès prévoit une augmentation significative du déficit fédéral, alors même que la dette publique américaine atteint des niveaux historiquement élevés.
Un marché qui ne peut plus absorber la dette croissante
Les rendements des obligations à long terme augmentent : le taux des Treasuries à 30 ans est passé à 5 %, contre un peu plus de 4 % en début d’année. Cette pression reflète la perte de confiance sur le marché, accentuée par la décision de Moody’s de retirer aux États-Unis leur note de crédit AAA. Le marché obligataire américain, passé de 5 000 milliards de dollars en 2008 à 29 000 milliards aujourd’hui, n’attire plus les investisseurs étrangers avec la même intensité. Les politiques protectionnistes de Trump ont contribué à ce désengagement progressif.
Un déplacement des plaques tectoniques de l’économie mondiale
Dimon identifie plusieurs tendances inquiétantes : montée des tensions géopolitiques, guerres commerciales, croissance généralisée de l’endettement. « Je ne sais tout simplement pas si ce sera une crise dans six mois ou six ans », a-t-il prévenu. Il plaide pour une réforme des règles qui restreignent aujourd’hui la capacité des banques à absorber les obligations : selon lui, les contraintes imposées limitent la résilience du marché.
Un soutien indirect aux propositions fiscales de l’opposition démocrate
Fait notable, Dimon a également défendu une mesure traditionnellement portée par les Démocrates : la taxation des intérêts différés. « Nous devrions absolument taxer les intérêts différés », a-t-il affirmé, rejoignant ainsi les positions défendues depuis l’ère Obama.
Un diagnostic partagé à Wall Street
Les propos de Dimon trouvent un écho chez d’autres figures majeures du secteur. John Waldron, président de Goldman Sachs, évoquait cette semaine « le plus grand risque macroéconomique à l’heure actuelle », pointant l’effet domino du déficit sur les taux d’intérêt à long terme et, par conséquent, sur la croissance.
Une dette projetée à +3 300 milliards d’ici 2034
Selon les projections du Comité pour un budget fédéral responsable, le projet de loi budgétaire défendu par Trump pourrait alourdir la dette américaine de plus de 3 300 milliards de dollars d’ici 2034. Moody’s prévoit, quant à elle, que le déficit passerait de 6,4 % à près de 9 % du PIB à l’horizon 2035.
Valerie Ndour Grandes Lignes