C’est une déclaration sobre, mais lourde de résonances : ce 8 avril, Joseph Kabila a annoncé son retour en République démocratique du Congo, après une année d’exil discret. Selon plusieurs sources proches de son entourage, l’ancien président s’installe à Goma, dans l’Est du pays — un choix géographique qui, dans le contexte actuel, ne peut être anodin.
Car ce retour survient à un moment de tension extrême dans la région. L’offensive du M23, appuyée par des réseaux transfrontaliers et réorganisée sous la bannière de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) dirigée par Corneille Nangaa, continue de grignoter du terrain. Or, c’est précisément avec ce dernier, ex-président de la CENI, devenu figure de proue d’une coalition politico-militaire contre le régime de Tshisekedi, que des rumeurs de rapprochement entre Kabila et les forces rebelles circulent avec insistance.
Pourquoi Goma ? Ancien bastion stratégique et cœur de la crise sécuritaire dans l’Est, la ville est aussi un point de contact symbolique avec les forces qui contestent aujourd’hui le pouvoir central. S’installer à Goma, ce n’est pas seulement rentrer au pays, c’est s’inscrire dans un territoire en rupture.
Un geste calculé ? À ce jour, aucune déclaration publique ne relie Kabila à l’AFC ou au M23. Mais son silence prolongé, son retour soigneusement orchestré, et ce choix de localisation suscitent des interrogations légitimes. À Kinshasa, des voix s’élèvent pour dénoncer ce qu’elles perçoivent comme une stratégie de déstabilisation lente, parrainée par l’ancien régime. Le président Tshisekedi lui-même a récemment affirmé, dans des termes à peine voilés, que certains anciens dirigeants « jouaient avec le feu ».
D’un autre côté, des analystes rappellent que Kabila n’a jamais été un homme de rupture brutale. Son style est fait de patience, de réseaux parallèles, et de gestes indirects. Il pourrait ainsi chercher à se positionner comme un médiateur alternatif dans l’Est, face à un pouvoir central perçu comme affaibli militairement et diplomatiquement.
Faut-il voir dans ce retour les prémices d’un ralliement à la rébellion ? Rien n’est officiellement confirmé. Mais l’imbrication grandissante entre enjeux militaires et dynamiques politiques ouvre un espace de manœuvre inédit pour un ancien président à l’influence intacte dans certaines composantes de l’armée et des élites régionales.
Le retour de Joseph Kabila ne se limite pas à une simple réapparition sur la scène politique : il s’agit d’un véritable repositionnement stratégique. Dans un contexte de guerre larvée à l’Est et de recomposition des forces en présence, cette manœuvre pourrait bien rebattre les cartes d’une crise déjà profondément complexe et instable.
Par ailleurs, plusieurs figures de la diaspora congolaise ont récemment rejoint le mouvement rebelle M23, désormais connu sous le nom d’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23). Le 30 mars 2025, Rex Kazadi, ancien candidat à l’élection présidentielle de 2023, a annoncé depuis l’Europe son ralliement à ce mouvement. Quelques jours plus tard, le 3 avril, Joseph Stéphane Mukumadi, ancien gouverneur de la province du Sankuru, a lui aussi rejoint les rangs de la rébellion, appelant les Congolais à faire de même afin, selon ses mots, de “mettre fin à la dictature du régime de Kinshasa et permettre la libération totale de notre pays”.