Lecture 04 min. Publié le 14 octobre 2025 à 16h36
Six ans après avoir cédé le pouvoir à Félix Tshisekedi, Joseph Kabila s’active à l’étranger pour redevenir un acteur central du jeu politique congolais. Condamné à mort le 30 septembre pour « trahison » et « crimes contre la paix », l’ancien chef d’État a réuni, selon plusieurs sources, une partie de l’opposition congolaise dans la capitale kényane. Objectif : rebâtir un front commun face au président Tshisekedi et poser les bases d’un éventuel retour politique.
Un conclave discret à Nairobi
À l’abri des regards, l’ancien président a convoqué un conclave politique à Nairobi, censé débuter le 14 octobre. Plusieurs figures de l’opposition ont été invitées, et Kabila lui-même se trouve déjà sur place.
« Il veut repositionner son camp et reconstruire une force capable de peser dans le dialogue national à venir », confie un proche de l’ex-président.
Ce n’est pas la première tentative du raïs. En décembre 2024 déjà, il avait échangé à Addis-Abeba avec des opposants, sans résultat concret. Mais sa condamnation récente, jugée par son entourage comme « purement politique », semble avoir précipité cette nouvelle initiative.
Des invités triés sur le volet
Parmi les convives figure Matata Ponyo Mapon, son ancien Premier ministre, condamné en mai à dix ans de travaux forcés pour détournement de fonds publics. Officiellement en exil, il a accepté l’invitation.
Autre participant annoncé : Seth Kikuni, candidat à la présidentielle de 2023, ainsi que Franck Diongo, réfugié en Belgique.
Le noyau dur de l’ancien camp présidentiel, le Front commun pour le Congo (FCC), est également présent, avec Néhémie Mwilanya Wilondja, Raymond Tshibanda, José Makila, Richard Muyej, ou encore Kikaya Bin Karubi. Plusieurs membres de sa garde rapprochée auraient aussi fait le déplacement.
Les grands absents : Katumbi, Kabund et Fayulu
S’il a invité la quasi-totalité des poids lourds de l’opposition, Kabila devra composer sans Moïse Katumbi, qui a décliné l’invitation. Jean-Marc Kabund et Delly Sesanga ont également choisi de rester à distance, tandis que Martin Fayulu a assuré n’avoir « jamais été contacté ».
Selon plusieurs sources, certains opposants n’auraient pas apprécié que la rencontre soit organisée autour d’un homme condamné par la justice, d’autant que son rôle reste ambigu : faiseur de paix, stratège ou futur candidat ?
Le retour d’un stratège politique ?
Depuis plusieurs mois, Joseph Kabila s’efforce de reconstruire son image et ses réseaux. Après des années de silence, il a repris la parole publiquement, multiplié les déplacements en Afrique de l’Est et s’est rendu à Goma, au cœur d’une zone instable sous influence du M23.
Ce déplacement, interprété comme un signal politique, lui a permis de renouer avec certains relais militaires et d’affirmer son influence dans une région clé.
« Kabila ne veut plus être spectateur », analyse un diplomate basé à Kinshasa. « Il sait que la crise sécuritaire et les divisions de l’opposition lui offrent une fenêtre de retour. »
Un front fragile face à Tshisekedi
De son côté, Félix Tshisekedi écarte toute possibilité de dialogue avec les anciens du système Kabila.
Depuis Bruxelles, le 11 octobre, il a déclaré :
« Nous ne voulons pas d’un dialogue avec ceux qui travaillent pour les agresseurs. Nous voulons un dialogue entre Congolais unis contre cette agression. »
Ces propos visent implicitement l’ancien président et ses alliés, soupçonnés par le pouvoir d’entretenir des liens avec certains acteurs de la rébellion dans l’Est.
Mais alors que les discussions entre Kinshasa et le M23 doivent reprendre à Doha, l’initiative de Nairobi pourrait rebattre les cartes.
Kabila, l’homme qui a quitté le pouvoir en 2019 sans renoncer à son influence, tente aujourd’hui de se poser en alternative nationale, mêlant calcul, revanche et ambition intacte.
Un pari risqué pour celui qui fut, pendant 18 ans, le maître du Congo et qui semble décidé à ne pas en rester l’ancien propriétaire.
Paul Lamier Grandes Lignes












