La plus haute juridiction du Sénégal a tranché. Ce lundi 1er juillet 2025, la Cour suprême a définitivement confirmé la condamnation d’Ousmane Sonko pour diffamation à l’encontre de l’ancien ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang. Une décision judiciaire à fort retentissement politique qui clôt un chapitre judiciaire aux répercussions majeures sur la trajectoire de l’actuel Premier ministre.
Une procédure exceptionnelle rejetée
Les avocats d’Ousmane Sonko, désormais à la tête du gouvernement, avaient formulé une requête en rabat d’arrêt, une procédure rare visant à faire revenir la Cour suprême sur sa propre décision. Motif invoqué : un article du Code pénal sénégalais utilisé lors de la condamnation serait contraire à la Constitution. Mais les juges ont rejeté l’argumentaire, estimant que les conditions de procédure et de fond avaient été respectées.
Condamné en mai 2023 en appel à six mois de prison avec sursis et à 200 millions de F CFA d’amende pour avoir accusé Mame Mbaye Niang de détournement sans fournir de preuves, Ousmane Sonko avait vu cette décision confirmée en janvier 2024. Cette condamnation l’avait rendu inéligible pour cinq ans, l’empêchant de se présenter à la présidentielle de mars 2024. Ce 1er juillet, la plus haute juridiction du pays a donc confirmé cette sentence, en écartant toute possibilité de recours.
Le contexte : un tournant politique
Lors de la dernière audience, l’ambiance contrastait fortement avec les épisodes précédents : calme, absence de tension, et surtout un protagoniste devenu Premier ministre. En janvier, Sonko était encore incarcéré à Sébikhotane pour un autre dossier et tentait de maintenir sa candidature. En juillet, il incarne le centre du pouvoir exécutif sénégalais. Quant à Mame Mbaye Niang, désormais absent du paysage politique, il a quitté le pays après la présidentielle, et ne s’est pas présenté à l’audience.
Le verdict de la Cour confirme une condamnation qui avait fortement divisé la classe politique et l’opinion publique. Pour certains, elle symbolisait une instrumentalisation de la justice pour écarter un adversaire redoutable. Pour d’autres, elle incarnait l’exigence de responsabilité dans le discours politique.
L’amnistie écartée
Une question juridique demeurait : la condamnation de Sonko pouvait-elle être effacée par la loi d’amnistie votée en mars 2024 par le président sortant Macky Sall, puis amendée par le gouvernement Pastef en avril ? La Cour a estimé que non. Elle a jugé que le dossier de diffamation ne relevait pas de « faits liés à des manifestations ou à des motivations politiques » et ne pouvait donc bénéficier de cette mesure.
En conséquence, la condamnation reste inscrite dans le casier judiciaire du Premier ministre, avec ses implications : il demeure inéligible pour cinq ans, même si son poste actuel le place au cœur de l’appareil d’État.
Une affaire emblématique du nouveau rapport pouvoir/justice
L’affaire Sonko vs Mbaye Niang restera comme l’un des feuilletons judiciaires les plus influents de la période post-Macky Sall. Elle interroge la relation complexe entre pouvoir judiciaire et sphère politique, entre le droit et ses usages.
Malgré sa victoire politique et son rôle central dans le nouveau pouvoir, Ousmane Sonko n’échappe donc pas à l’autorité des tribunaux. La décision confirme que, dans la République sénégalaise actuelle, la justice peut maintenir une certaine autonomie face à l’exécutif – au moins sur ce dossier.
Mais pour les avocats du Premier ministre, la bataille judiciaire avait surtout une portée symbolique : « L’essentiel est d’avoir mis en lumière les failles d’un système qui a précipité l’exclusion politique d’un homme avant son triomphe dans les urnes », estime un membre de son équipe.
Quelle suite pour Sonko ?
À court terme, cette condamnation ne l’empêche pas d’exercer ses fonctions de Premier ministre. Mais à moyen terme, elle soulève la question de sa succession à la tête de l’exécutif, en cas de vacance présidentielle ou de stratégie de reconquête en 2029.
Plus encore, cette affaire rappelle que l’arène politique sénégalaise reste fragile, où les décisions judiciaires peuvent peser lourd dans les équilibres démocratiques. Si Sonko est devenu chef du gouvernement, cette décision de justice vient rappeler que même les plus hauts responsables doivent continuer à répondre de leurs propos, à l’heure où le Sénégal tente de reconstruire une relation de confiance entre institutions, pouvoir et citoyens.
Paul Lamier Grandes Lignes