5 Nov 2025, mer

Kharkov assiégée : le visage d’une guerre de drones qui change de dimension

Grandes Lignes

Kharkov vit désormais au rythme des sirènes, des déflagrations, et de la peur. En l’espace de deux jours, la deuxième ville d’Ukraine a essuyé ce qui s’apparente au plus violent bombardement depuis le début de la guerre. Vendredi matin, puis samedi après-midi, des vagues ininterrompues de drones-bombes Shahed, de missiles de croisière et de bombes guidées ont frappé les infrastructures et les civils. Le bilan : au moins quatre morts, plus de 70 blessés, et une ville une nouvelle fois ramenée au rang de cible stratégique.

Mais cette offensive brutale ne peut se lire uniquement comme une nouvelle poussée militaire. Elle s’inscrit dans une dynamique plus large : celle d’une guerre hybride qui repose de plus en plus sur la saturation technologique et la pression psychologique. En seulement trois heures, vendredi, la Russie a lancé sur Kharkov presque autant de drones qu’au cours de tout le mois de mai. Une cadence effrayante qui marque un tournant.

Image Not Found
Des secouristes sortent un blessé des ruines d’une usine civile après les puissantes attaques russes contre la ville ukrainienne de Kharkiv, tôt le 7 juin 2025, dans le cadre de l’invasion russe de l’Ukraine. La Russie a largué une salve de missiles, de drones et de bombes à travers l’Ukraine tôt le 7 juin, tuant au moins cinq personnes lors d’une attaque majeure que le maire de Kharkiv, deuxième ville d’Ukraine, a qualifiée d’inédite.

Punition et dissuasion

Le Kremlin n’a pas tardé à revendiquer indirectement l’escalade. Pour Moscou, il s’agissait d’une riposte à l’opération ukrainienne « Toile d’araignée », menée le 1er juin à l’intérieur même du territoire russe. Près de 117 drones kamikazes avaient alors visé des bases aériennes, causant la destruction ou les dégâts sur plus de 40 bombardiers stratégiques. Une démonstration de force spectaculaire, qui a pris au dépourvu les services russes.

En retour, la stratégie de Vladimir Poutine semble limpide : frapper fort, frapper vite, et frapper massivement. Pas pour gagner une bataille décisive elle est improbable dans un conflit enlisé mais pour faire passer un message : chaque action ukrainienne sur le sol russe coûtera cher. C’est aussi une façon de rappeler que les civils, comme toujours dans cette guerre, servent de levier politique autant que de dommages collatéraux.

Le Shahed, arme de la nouvelle ère

Au cœur de cette mécanique de terreur, le drone Shahed est devenu la signature de l’armée russe. Abondant, difficile à intercepter, peu coûteux et de plus en plus précis, il permet à Moscou de maintenir une pression constante. L’évolution est nette : selon les services de renseignement ukrainiens, la production russe de Shahed aurait été multipliée par dix en un an. Ce qui prenait un mois en 2024 ne demande désormais que trois jours.

La stratégie est claire : inonder le ciel pour saturer les défenses ukrainiennes. Contrairement aux missiles balistiques ou hypersoniques, coûteux et rares, les Shaheds permettent une guerre d’usure à faible intensité logistique mais à fort impact psychologique. La population, exténuée, voit peu à peu le danger se banaliser, rendant la résistance plus difficile à maintenir.

La parole de Trump, l’ombre américaine

Un autre fait troublant s’est invité dans la séquence : les propos du président américain Donald Trump, qui a semblé justifier les représailles russes en réaction à l’opération ukrainienne. « Ils ont donné à Poutine une raison de les bombarder à mort ce soir », a-t-il déclaré. Une sortie qui renforce les interrogations sur l’alignement stratégique des États-Unis et leur volonté réelle de soutenir l’Ukraine, au moment où le leadership américain semble vaciller.

Une ville vulnérable, un pays sous pression

Kharkov n’a jamais été en sécurité. À moins de 30 kilomètres de la frontière russe, ses systèmes de défense sont insuffisants pour réagir en temps réel à des attaques aussi rapprochées. Mais l’ampleur et la fréquence des dernières frappes montrent une volonté de transformer cette ville en zone de test, en laboratoire de la guerre par saturation.

L’armée ukrainienne, bien que sur le qui-vive, peine à suivre le rythme. Et l’Occident, déjà épuisé par deux ans de conflit, voit dans cette escalade une nouvelle phase encore plus incertaine. D’autant que la Russie semble prête à faire de 2025 l’année de l’industrialisation de sa guerre longue distance.

Ce qui se dessine, c’est peut-être une mutation du conflit : une guerre où les lignes de front s’effacent au profit d’une guerre de l’air, invisible, continue, imprévisible. Une guerre où les villes deviennent les premiers fronts, et où l’objectif militaire est avant tout l’effondrement moral.

Kharkov, en ce début juin, n’est pas qu’une ville martyre. Elle est le miroir d’un conflit qui a cessé d’avoir des règles.

Paul Lamier Grandes Lignes

Dick Cheney, l’ancien vice-président de George W. Bush, s’éteint à 84 ans
Lecture 03 min. Publié le 04 novembre 2025  Dick Cheney, vice-président de George W. Bush et architecte de la guerre en Irak, ...
Tesla, victime du militant Musk
Lecture 03 min. Publié le 04 novembre 2025  L’ombre de Donald Trump plane désormais sur Tesla. En soutenant ouvertement le candidat républicain ...
Sahara occidental Trump vise un accord “en 60 jours” entre le Maroc et l’Algérie
Lecture 03 min. Publié le 31 octobre 2025  L’ancien président américain ambitionne de négocier un accord historique entre Alger et Rabat sur ...
Lecture 05 min. Publié le 31 octobre 2025  Entre valorisations record et promesses de profits futurs, la fièvre de l’IA propulse Nvidia, ...
Darfour El-Fasher, l’hôpital du désespoir
Lecture 06 min. Publié le 30 octobre 2025  Après la chute de la ville, les Forces de soutien rapide ont exécuté 460 ...
Trump fait escale au Qatar pour consolider la trêve à Gaza
Lecture 03 min. Publié le 27 octobre 2025  Sur la route de l’Asie, Donald Trump a rencontré l’émir du Qatar, Cheikh Tamim ...

La rédaction vous conseille