9 Août 2025, sam

La Chine n’est pas un plan B pour l’Afrique du Sud

La Chine n’est pas un plan B pour l’Afrique du Sud

Face aux tensions avec l’Occident et aux promesses chinoises, Pretoria cherche une voie de souveraineté, entre dépendance économique et affinités idéologiques.

L’Afrique du Sud rêve parfois d’un monde sans l’Occident. Du moins, une partie de sa classe politique. Dans les cercles militants proches de l’ANC, la Chine représente plus qu’un partenaire commercial : une alternative symbolique à un ordre mondial dominé par les puissances atlantiques. Mais derrière cette posture, la réalité est plus complexe.

Depuis deux décennies, la Chine a pris le dessus sur les États-Unis comme premier partenaire commercial de l’Afrique du Sud. Le commerce bilatéral a été multiplié par 25 depuis le début du siècle. Des géants industriels chinois, comme le constructeur de véhicules électriques BYD, envisagent même d’y installer des usines. Mais pour beaucoup, cette relation reste déséquilibrée : l’Afrique du Sud exporte des matières premières et importe des biens manufacturés. Résultat, un déficit commercial de près de 10 milliards de dollars en 2023.

Une opinion divisée, une relation déséquilibrée

Dans l’opinion publique, les lignes de fracture suivent des clivages raciaux. Selon une enquête de la Social Research Foundation, 59 % des Sud-Africains noirs estiment que la Chine et la Russie investissent davantage que l’Occident. Ce chiffre tombe à 34 % chez les Sud-Africains blancs. Sur la question d’un alignement diplomatique assumé avec Pékin, Moscou ou Téhéran, 41 % des répondants noirs y sont favorables contre seulement 12 % des Blancs.

Ces divisions se doublent d’un changement d’orientation diplomatique. Pretoria, jadis adepte d’un non-alignement pragmatique, adopte de plus en plus ouvertement les positions de la Chine sur la scène internationale, au sein des BRICS, du G20 ou à l’ONU. Mais certains responsables politiques et économiques restent prudents. Ils voient dans ce basculement un risque, surtout si les tensions avec les États-Unis se durcissent.

Washington-Pretoria : un dialogue rompu

La relation avec les États-Unis est au plus bas depuis la fin de l’apartheid. Le président Donald Trump a accusé, sans fondement, le gouvernement sud-africain de soutenir une campagne de meurtres contre les fermiers blancs. Mais au-delà de ces déclarations controversées, des divergences réelles empoisonnent les relations bilatérales : soutien de Pretoria à la plainte contre Israël pour génocide à La Haye, coopération avec l’Iran, liens avec Moscou…

Les relations avec l’Europe sont, elles aussi, tièdes, même si Bruxelles multiplie les gestes pour ramener Pretoria dans son giron, la considérant comme un État pivot dans les équilibres Sud-Sud.

Pas de rupture possible avec l’Occident

Malgré les discours souverainistes, l’Afrique du Sud reste structurellement liée à l’Occident. John Steenhuisen, ministre de l’Agriculture et chef du parti centriste Alliance démocratique, met en garde : 75 % des investissements directs étrangers viennent toujours des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’UE. « Dire au revoir à l’Occident est une illusion », résume-t-il.

Même son de cloche du côté universitaire. Pour Morris Mthombeni, doyen de l’Institut Gordon à Pretoria, la Chine est un acteur majeur, mais le commerce avec l’Occident reste irremplaçable, tant en volume qu’en diversité.

Cobus van Staden, chercheur au China-Global South Project, note une admiration idéologique persistante dans les rangs de l’ANC pour le Parti communiste chinois. Beaucoup y voient un modèle de développement mêlant croissance économique, planification étatique et secteur public fort. Mais la comparaison trouve vite ses limites : « La Chine repose sur une technocratie très compétente, ce qui n’est pas le cas en Afrique du Sud », rappelle-t-il. Selon lui, les diplomates chinois jugent la bureaucratie sud-africaine trop rigide, un frein à leurs ambitions.

Le mirage de l’industrialisation par Pékin

L’un des griefs récurrents formulés contre les entreprises chinoises est leur réticence à transférer des compétences ou à promouvoir des cadres locaux. À Pretoria, l’ambassadeur chinois Wu Peng assure pourtant que Pékin encourage les investissements qualitatifs, notamment dans les secteurs de l’automobile, des batteries, des énergies renouvelables ou de la pharmacie.

Mais les conditions locales restent peu attractives. Électricité instable, coûts élevés, bureaucratie pesante : autant d’obstacles. Songezo Zibi, chef du parti Rise Mzansi, dénonce une relation encore trop extractive. Il appelle à des partenariats plus équilibrés, aussi bien avec la Chine qu’avec l’Occident.

Un équilibre à réinventer

En l’état, la Chine ne représente pas une alternative suffisante. Elle n’a ni les moyens ni l’intention de compenser une rupture brutale avec l’Occident. Pour espérer tirer parti de ses relations internationales, l’Afrique du Sud devra réformer en profondeur son économie, renforcer sa gouvernance et sortir d’une dépendance aux matières premières.

À défaut, qu’elle se tourne vers Pékin ou Washington, elle risque surtout de rester à la marge.

Adonis Kanga Grandes Lignes

Commerce mondial : 90 pays dans la ligne de mire de Trump

Commerce mondial : 90 pays dans la ligne de mire de Trump

Le président américain impose des droits de douane punitifs sur près de 90 pays, portant…

Gouvernement Suminwa II Tshisekedi élargit sans bouleverser

Gouvernement Suminwa II : Tshisekedi élargit sans bouleverser

En République démocratique du Congo, le président Félix Tshisekedi a annoncé, vendredi 8 août, un…

Ce que le Kremlin espère du sommet Poutine–Trump

Ce que le Kremlin espère du sommet Poutine–Trump

Le président russe rencontrera son homologue américain le 15 août en Alaska, avec la guerre…

Zelensky ferme la porte à l’idée de Trump d’un échange territorial avec la Russie

Zelensky ferme la porte à l’idée de Trump d’un échange territorial avec la Russie

Le président ukrainien oppose un refus catégorique à la suggestion américaine, à quelques jours du…

Paix en Ukraine Trump et Poutine se donnent rendez-vous en Alaska

Paix en Ukraine : Trump et Poutine se donnent rendez-vous en Alaska

Le président américain évoque un possible “échange de territoires” pour mettre fin à la guerre…

Le président américain impose des droits de douane punitifs sur près de 90 pays, portant le taux moyen ...
Gouvernement Suminwa II Tshisekedi élargit sans bouleverser
En République démocratique du Congo, le président Félix Tshisekedi a annoncé, vendredi 8 août, un remaniement du gouvernement ...
Ce que le Kremlin espère du sommet Poutine–Trump
Le président russe rencontrera son homologue américain le 15 août en Alaska, avec la guerre en Ukraine en ...
Zelensky ferme la porte à l’idée de Trump d’un échange territorial avec la Russie
Le président ukrainien oppose un refus catégorique à la suggestion américaine, à quelques jours du sommet Trump–Poutine prévu ...
Paix en Ukraine Trump et Poutine se donnent rendez-vous en Alaska
Le président américain évoque un possible “échange de territoires” pour mettre fin à la guerre en Ukraine, au ...
Pourquoi le Rwanda accepte d’accueillir 250 migrants expulsés des États-Unis
Kigali devient le dernier partenaire africain de l’administration Trump dans sa politique d’expulsion, promettant d’intégrer les déportés. Le ...
Image Not Found
Image Not Found