Le dollar américain, symbole de stabilité et pilier du système financier mondial, traverse une période de turbulence sans précédent. Depuis son pic de mi-janvier, la devise américaine a perdu plus de 9 % de sa valeur face à un panier de devises majeures. Plus inquiétant encore, deux cinquièmes de cette chute ont eu lieu après le 1er avril, malgré une hausse des rendements des bons du Trésor américain à dix ans. Cette combinaison de baisse du dollar et de hausse des rendements est un signal d’alarme pour les investisseurs.
Pourquoi le dollar vacille ?
L’une des explications de cette dépréciation réside dans la politique économique incertaine des États-Unis. Depuis des décennies, les investisseurs ont considéré les actifs américains comme des valeurs sûres, portés par la profondeur d’un marché obligataire de 27 000 milliards de dollars et le statut du dollar comme monnaie de réserve mondiale. Mais cette confiance vacille.
La gestion erratique des droits de douane par l’administration Trump, caractérisée par des annonces soudaines, des exemptions temporaires et une multiplication des conflits commerciaux, a introduit une forte dose d’incertitude dans les marchés mondiaux. En augmentant les droits de douane sur des produits chinois de manière imprévisible, les États-Unis ont perturbé les chaînes d’approvisionnement mondiales, alimenté l’inflation et freiné la croissance économique.
Un endettement qui inquiète
Parallèlement, la situation budgétaire des États-Unis s’est détériorée. La dette publique nette représente désormais environ 100 % du PIB, un niveau rarement observé en temps de paix. Le déficit budgétaire a atteint 7 % du PIB en 2024, un chiffre exceptionnellement élevé pour une économie en croissance.
Plutôt que de chercher à redresser cette situation, le Congrès américain a récemment approuvé un projet de budget qui pourrait ajouter 5 800 milliards de dollars de dette supplémentaire au cours des dix prochaines années. Ce plan pourrait doubler la vitesse de croissance du ratio dette/PIB.
Les marchés financiers commencent à s’interroger : les États-Unis resteront-ils une valeur refuge si leur dette devient incontrôlable ?
La Réserve fédérale sous pression
La Réserve fédérale (Fed) est également sous les projecteurs. En principe indépendante, la Fed subit néanmoins une pression croissante de la part de l’administration Trump pour baisser les taux d’intérêt afin de stimuler l’économie. Si la Fed cède à ces pressions, elle pourrait compromettre sa crédibilité et accentuer la volatilité des marchés.
Les investisseurs étrangers, qui détiennent environ 8 500 milliards de dollars de bons du Trésor américain, commencent à réduire leurs positions. Les rumeurs selon lesquelles des gestionnaires d’actifs étrangers se débarrassent discrètement de leurs obligations américaines se multiplient.
Un risque systémique mondial ?
Cette perte de confiance dans le dollar pourrait avoir des conséquences mondiales. La devise américaine est au cœur du système financier international, utilisée pour la majorité des transactions mondiales, des matières premières aux produits financiers dérivés.
Si la demande pour les bons du Trésor américain continue de faiblir, les taux d’intérêt augmenteront, ce qui pourrait alourdir le coût de la dette pour Washington. Une crise de liquidité sur les bons du Trésor pourrait rapidement se transformer en une crise financière mondiale.
Comment éviter la crise ?
Pour restaurer la confiance, les États-Unis doivent adopter une politique budgétaire plus responsable. Cela signifie réduire les dépenses publiques ou augmenter les recettes fiscales pour contenir la dette. Mais dans un climat politique polarisé, parvenir à un consensus pourrait s’avérer difficile.
La Réserve fédérale, quant à elle, doit protéger son indépendance et résister aux pressions politiques pour abaisser les taux. Sa crédibilité repose sur sa capacité à maintenir la stabilité des prix tout en préservant la stabilité financière.
Enfin, une politique commerciale plus cohérente pourrait réduire l’incertitude pour les entreprises et les investisseurs. Les États-Unis doivent choisir entre une stratégie de confrontation commerciale à court terme et une approche plus coopérative qui protège leur statut de leader économique mondial.
La crise du dollar pourrait être temporaire. Mais si elle n’est pas gérée correctement, elle pourrait marquer le début d’une ère de fragilité pour une monnaie autrefois synonyme de stabilité. Les États-Unis sont à la croisée des chemins : choisir de renforcer leur crédibilité économique ou risquer de voir leur statut de première puissance mondiale s’effriter.
Adonis Kanga Grandes Lignes