Bien que retiré officiellement de la scène politique, Macky Sall continue de faire sentir sa présence dans les cercles du pouvoir sénégalais. Installé à Marrakech depuis avril 2024, l’ancien président n’a pas pour autant rompu les liens avec son parti, l’Alliance pour la République (APR), ni avec ceux qui lui sont restés fidèles. Tandis que certains cadres se font discrets ou prennent leurs distances, un noyau dur maintient vivant le réseau et l’influence de l’ex-chef d’État, entre manœuvres internes, fidélité assumée et ambitions encore floues.

En parallèle, Macky Sall cultive sa stature internationale. Il participe régulièrement à des forums et sommets de haut niveau, tels que le Sommet de la Fédération pour la Paix universelle à Séoul, le Crans Montana Forum à Casablanca, ou encore le Prix Zayed pour la Fraternité humaine à Abu Dhabi. Il a également pris part au Global Solutions Summit à Berlin, ou encore à une réunion avec Cyril Ramaphosa, dans le cadre d’un plaidoyer africain pour l’allègement de la dette. Ces apparitions soigneusement choisies renforcent une posture d’ancien chef d’État engagé sur les questions globales paix, dette, gouvernance tout en lui permettant de maintenir des connexions diplomatiques et économiques stratégiques.

Le noyau politique : vétérans et fidèles en action
Autour de Macky Sall gravitent encore plusieurs figures clés de l’APR, bien décidées à défendre son héritage. Sidiki Kaba, son dernier Premier ministre, joue un rôle central dans la coordination des réunions, rendez-vous internes au parti tenus à Dakar et étroitement suivis par Macky Sall depuis le Maroc.
Amadou Mame Diop, ancien président de l’Assemblée nationale, reste un relais direct de l’ancien président, tout comme Mansour Faye, frère de l’ex-première dame, dont les démêlés avec la justice n’ont pas érodé la loyauté.
Sur le front médiatique et de l’opinion, Yoro Dia, ancien porte-parole de la présidence, reste actif, secondé en coulisses par les piliers historiques comme Mahmoud Saleh, Mor Ngom, Abdoulaye Saydou Sow ou encore Augustin Tine. Ce cercle mène une stratégie en plusieurs étapes : restructurer le parti, affirmer sa voix dans le débat national et préparer une éventuelle reconquête politique.
APR : entre relance interne et fractures mal contenues
En mars dernier, l’APR a élargi son Secrétariat exécutif national (Sen) à 487 membres, dans une tentative de rajeunissement et d’ouverture. Derrière cette manœuvre, l’objectif est clair : redonner une voix aux différents courants du parti et maintenir une cohésion minimale. Pourtant, plusieurs figures historiques, comme Thérèse Faye Diouf ou Mame Mbaye Niang, sont restées à distance. Si certains leur reprochent une forme de neutralité face au pouvoir actuel, d’autres y voient une prudente stratégie d’attente.
Cette mise en retrait permet aussi à une nouvelle génération de cadres de se démarquer. Pape Malick Ndour ou Abdou Mbow, figure montante à l’Assemblée, gagnent en visibilité. Autour d’eux, Luc Sarr, Seydou Guèye ou encore Moussa Baldé planchent sur la création d’une école politique, pour structurer idéologiquement une formation encore en convalescence.
Un réseau actif, y compris hors du champ politique
Le réseau Sall ne s’arrête pas aux cadres de l’APR. Il mobilise aussi juristes, diplomates et figures influentes dans les sphères parallèles. Le collectif resté fidèle conseille à la fois des responsables visés par des procédures judiciaires et des personnalités plus périphériques comme le commissaire Cheikhna Keïta ou l’influenceur Ardo Gningue tout en gardant un œil sur l’agenda juridique du pays. La stratégie est claire : protéger les intérêts du camp Sall, y compris dans les batailles symboliques et judiciaires.
Pour faire face aux accusations, Macky Sall a mandaté l’avocat français Antoine Vey, qui a engagé une procédure pour faux et diffamation après la diffusion de documents bancaires présentés comme les siens.
Un virage privé, mais surveillé de près
Installé à Marrakech, Macky Sall se consacre désormais à ses propres affaires. Il a lancé un cabinet de conseil dans le quartier huppé de Guéliz, et co-dirige avec Tariq Berrada El Azizi, un expert-comptable marocain, une société immobilière : Semo Real Estate. Une reconversion discrète, mais structurée.
À ses côtés, son conseiller diplomatique Oumar Demba Ba pilote une fondation dédiée à la paix et au développement, pendant que Hamidou Anne, énarque et militant, reste actif sur les dossiers sensibles, notamment celui de la dette cachée présumée. C’est lui qui a pris contact avec le représentant du FMI à Dakar pour contester certaines accusations visant l’ancienne administration.
Le départ de Macky Sall n’a pas mis fin à son influence. En coulisses, il garde la main sur une partie de l’appareil politique, économique et juridique. Son cercle restreint s’emploie à maintenir vivante sa structure, à protéger ses intérêts.
Paul Lamier Grandes Lignes