Après des décennies de rivalités et de tensions diplomatiques entre la Guinée équatoriale et le Gabon, la Cour internationale de justice (CIJ) s’est enfin prononcée sur le sort de l’île de Mbanié et des îlots de Cocotiers et Conga. Situés dans la baie de Corisco, ces territoires disputés se trouvent dans une zone potentiellement riche en hydrocarbures, ce qui a rendu leur contrôle particulièrement sensible.
Le litige entre les deux États remonte aux années 1970. Bien qu’un premier traité colonial ait été signé entre Paris et Madrid en 1900, établissant une frontière, les divergences sont apparues des décennies plus tard. En 1974, lors de la conférence de Bata, un nouvel accord aurait été conclu entre les deux pays, attribuant la souveraineté sur Mbanié, Cocotiers et Conga au Gabon.
C’est sur ce document que Libreville a fondé sa revendication. Mais la Guinée équatoriale a toujours contesté la validité de cet accord, arguant que la convention de Bata n’était qu’une simple photocopie non authentifiée. « Personne n’avait vu ou entendu parler de cette supposée convention », avait affirmé Domingo Mba Esono, vice-ministre équato-guinéen des Mines et des Hydrocarbures.
Une bataille juridique à la CIJ
Devant la Cour internationale de justice, les deux parties ont défendu leurs positions avec vigueur. Le Gabon s’est appuyé sur la convention de Bata, qu’il considère comme un texte légal et contraignant, tandis que la Guinée équatoriale a fustigé ce document comme une simple « photocopie d’une photocopie », sans aucune valeur légale.
Les avocats de Malabo ont insisté sur le fait qu’accorder du crédit à ce document reviendrait à plonger la CIJ « dans le monde de l’invraisemblance et du ridicule ». Pour eux, l’absence de l’original de la convention de Bata prouvait qu’elle n’avait jamais eu de valeur officielle.
De son côté, Libreville a affirmé que les conditions de conservation des documents à l’époque, sans support électronique et avec une mauvaise tenue des archives, expliquaient la disparition de l’original. Marie-Madeleine Mborantsuo, présidente honoraire de la Cour constitutionnelle du Gabon, a soutenu que la conférence de Bata avait bel et bien résolu les questions de frontières.
Le verdict de la CIJ : un revers pour le Gabon
Le 19 mai, la Cour internationale de justice a tranché en faveur de la Guinée équatoriale, rejetant la validité de la convention de Bata. En l’absence de preuves solides et d’un document original authentifié, la CIJ a estimé que les revendications du Gabon ne pouvaient être retenues. En conséquence, la souveraineté sur l’île de Mbanié, ainsi que sur les îlots de Cocotiers et Conga, a été attribuée à la Guinée équatoriale.
Cette décision représente un revers majeur pour Libreville, qui perd non seulement un territoire symbolique mais également une zone potentiellement riche en hydrocarbures. Le Gabon voit ainsi ses ambitions énergétiques compromises dans cette région, alors que la Guinée équatoriale renforce son emprise sur la baie de Corisco.
Les conséquences diplomatiques et économiques
Pour Libreville, cette défaite diplomatique pourrait avoir des répercussions sur ses relations avec Malabo, mais aussi sur sa politique énergétique. Le Gabon devra revoir ses ambitions d’exploration pétrolière dans cette zone et redéfinir sa stratégie régionale.
Quant à la Guinée équatoriale, ce succès devant la CIJ consolide sa position et lui ouvre potentiellement de nouvelles perspectives économiques dans une région stratégique. Les autorités équato-guinéennes se réjouissent déjà de cette décision, qu’elles considèrent comme une « victoire historique ».
Le verdict de la CIJ pourrait également servir de précédent pour d’autres litiges territoriaux en Afrique centrale, une région souvent marquée par des conflits de frontières. L’affaire de Mbanié montre que même des différends de plusieurs décennies peuvent trouver une résolution pacifique grâce au droit international.