Opposant historique, ancien ministre et négociateur de paix, il a marqué son pays par une vie entière dédiée à la démocratie et aux droits humains.
Il avait fait de la liberté son combat. Tiébilé Dramé, figure majeure de la scène politique malienne, est décédé le 12 août à Paris, à l’âge de 70 ans, des suites d’un cancer de l’estomac.
Fondateur du Parti pour la Renaissance nationale (Parena), ancien ministre des Affaires étrangères et artisan de plusieurs négociations avec les rebelles du Nord, Dramé incarnait cette rare constance : dénoncer dictatures, coups d’État et dérives autoritaires, quitte à rester à la marge du pouvoir.
Une vie marquée par l’engagement
Né en 1955 à Nioro du Sahel, Dramé a très tôt payé le prix de ses convictions. Étudiant militant dans les années 1970, il fut emprisonné, torturé et exilé pour avoir dénoncé la dictature de Moussa Traoré. Amnesty International le reconnaît en 1980 comme « prisonnier d’opinion ».
De retour d’exil après la chute du régime en 1991, il fonde le journal Le Républicain et son parti, le Parena. De là, il incarne cette tradition d’opposition lucide et courageuse qui l’a maintenu souvent en marge du pouvoir, mais au centre des consciences.
Entre diplomatie et opposition
Deux fois ministre des Affaires étrangères (1991-1992 et 2019-2020), ministre des Zones arides du Nord en 1996, député en 1997, Dramé fut aussi médiateur international pour l’ONU au Burundi, en Haïti et à Madagascar.
En 2013, il conduit les négociations de paix avec les rebelles du Nord, convaincu que seule la discussion pouvait ouvrir la voie à une stabilité durable. Malgré l’échec du processus et des campagnes présidentielles infructueuses, il n’a jamais renoncé à défendre la voie du dialogue et la nécessité de concessions réalistes face aux crises du Sahel.
Une voix indépendante
Toujours franc, souvent tranchant, Dramé dénonçait aussi bien les dérives autoritaires que l’impuissance de l’armée malienne face aux djihadistes. En 2012, alors que les coups d’État s’enchaînaient, il alertait : « Il y a un climat d’intimidation et de peur. »
En 2013, il saluait sans détour l’intervention française dans le Nord, refusant l’illusion nationaliste qui minimisait l’effondrement militaire du pays. Cette liberté de ton, dans une région marquée par les discours convenus, fit de lui un repère pour diplomates, journalistes et chercheurs.
Hommages unanimes
Aux obsèques organisées le 15 août à Bamako, Djiguiba Keïta l’a qualifié de « baobab de la résistance à la dictature ». Ibrahim Maïga, analyste à l’International Crisis Group, a salué un « intellectuel militant, un combattant des idées ». Pour l’ONU, El-Ghassim Wane a rendu hommage à « un champion infatigable de la démocratie et des droits de l’homme ».
Héritage
Tiébilé Dramé laisse derrière lui son épouse, Kadiatou Konaré, ancienne ministre de la Culture et fille de l’ex-président Alpha Oumar Konaré, leurs douze enfants et une famille politique qu’il avait façonnée à l’image de sa conviction : la liberté ne se négocie pas.
Paul Lamier Grandes Lignes












