C’est un retour qui n’en est pas vraiment un : Donald J. Trump, réinstallé à la Maison-Blanche depuis le 20 janvier 2025, ne s’est pas contenté de reprendre les rênes du pouvoir. Il les a agrippées avec la férocité d’un homme convaincu que le temps joue contre lui et que l’Histoire doit s’écrire à coups de décrets.
En cent jours, Trump version 2 n’a pas cherché à rassembler, mais à imposer. Résultat : un mandat qui bat des records, dans les chiffres comme dans les divisions.
Un pouvoir présidentiel hyperactif
Le premier jour donne le ton : 26 décrets signés, un chiffre jamais atteint par un président moderne. Immigration, politique énergétique, régulation des campus universitaires, tarifs douaniers… tout y passe. Et l’encre continue de couler. Faute de majorité au Congrès et sans réel appétit pour la négociation, Trump gouverne par ordonnances. Un choix qui lui vaut d’être attaqué de toutes parts devant les tribunaux : jamais un président américain n’a fait face à autant de poursuites aussi tôt dans son mandat.
La revanche tarifaire
Dans cette « Amérique d’abord » version 2025, les tarifs douaniers ne sont plus un outil économique : ils sont devenus un symbole politique. Trump taxe massivement les importations, provoquant une hausse spectaculaire des recettes fédérales… et une série de contre-sanctions. Les entreprises américaines, elles, paient la facture. Et les ménages aussi. Cette guerre commerciale tous azimuts pèse déjà sur le dollar, qui s’est affaibli depuis mars. Un dollar plus faible rend les exportations plus compétitives, mais alimente aussi l’inflation sur les biens importés.
Wall Street, le baromètre détraqué
Le président qui, en 2017, tweetait la moindre hausse du Dow Jones reste étrangement silencieux. Et pour cause : les marchés ne suivent pas. Le S&P 500 a chuté de plus de 7 % depuis son investiture, une contre-performance inédite depuis Gerald Ford. Les investisseurs s’inquiètent de l’instabilité géopolitique, de la pression tarifaire et de l’absence de cap clair sur la politique monétaire.
Une diplomatie muette
Autre rupture : le Département d’État, déjà affaibli durant le premier mandat, est aujourd’hui relégué à l’arrière-plan. Les briefings sont rares. L’aide internationale, en chute libre. Marco Rubio, devenu secrétaire d’État, parle désormais d’un appareil diplomatique « idéologisé » et « obèse ». Les coupes pleuvent, les alliances historiques vacillent.
La science sous contrainte
Les National Institutes of Health, pilier mondial de la recherche médicale, subissent des coupes massives. Études sur les disparités raciales, sur les personnes transgenres, sur les vaccins : plusieurs programmes sont stoppés. En toile de fond, une défiance croissante envers les universités, jugées trop progressistes. Pour les chercheurs, c’est un retour brutal à la case départ, avec des financements gelés dans les plus prestigieuses institutions.
En janvier, Trump arrivait à la Maison-Blanche avec un léger avantage électoral et des marges de confiance sur l’économie, l’énergie et l’immigration. Cent jours plus tard, les sondages montrent un président déjà impopulaire. La dynamique s’est inversée. L’électorat de 2024 mobilisé par la crainte d’un retour du trumpisme ou galvanisé par sa résilience semble aujourd’hui dubitatif.
Son style de gouvernance direct, clivant, vertical n’a pas changé. Mais l’Amérique, elle, n’est plus la même qu’en 2016. En choisissant d’accélérer plutôt que de rassembler, Donald Trump signe peut-être un deuxième mandat plus fragile qu’il ne le croit.
Paul Lamier Grandes Lignes